Et si l'invasion mongole de 1240 permettait d'expliquer la guerre actuelle en Ukraine?
Le 19 novembre 1240, la Horde d'Or s'empare de Kiev et en massacre 48'000 habitants sur 50'000. Une seule ville leur fait allégeance et échappe à la destruction: Novgorod. Son prince, Alexandre Nevski, va même devenir le vassal des Mongols et régner sur l'Ukraine et surtout la Russie, qui gardera jusqu'à aujourd'hui ses caractéristiques asiatiques. Héros élevé au rang de saint orthodoxe, vénéré jusque sous Staline, Alexandre Nevski incarne cette Russie qui affronte l'Occident alors que Kiev va au contraire affirmer son attachement européen.
Nous sommes à l’été 1236. Le jeune prince mongol Batou Khan, petit-fils de Gengis Khan, vient de franchir la Volga avec ses 40'000 cavaliers de la Horde d'Or. Son but: défaire la Rus' de Kiev et faire main basse sur ses réserves d’or, puis pousser aussi loin que possible vers l'ouest.
Gardant son épée dans son fourreau, il envoie des émissaires proposer une reddition négociée aux Ukrainiens. Mais ces derniers, aussi peu sensibles à la menace des armes en 1236 qu'en 2022, ne l'entendent pas de cette oreille. Ils décapitent les ambassadeurs mongols dont ils renvoient les têtes à l'expéditeur.
La Horde d'Or va alors dévorer, une ville après l'autre, le territoire de la Rus' de Kiev pendant trois ans. Toutes celles qui ont le malheur de se trouver sur sa route se feront piller et raser, leurs populations massacrer presque entièrement. Souzdal, Vladimir, Riazan, toute la Crimée en 1238.
Alexandre fait allégeance
Seule Novgorod échappe au tsunami mongol, ayant eu la présence d'esprit de se rendre avant le combat. Alexandre, le prince de cette ville à 1000 km au nord de Kiev, a 15 ans. Il vient d’être désigné pour défendre le territoire contre les envahisseurs suédois et allemands. Pour ne pas multiplier les fronts, il fait allégeance aux Mongols. Lesquels, en 1240, s’avancent devant les murailles de Kiev en même temps que s’installe le redoutable hiver sur les rives du Dniepr.
Les Ukrainiens sont moins bien équipés, moins nombreux et moins motivés que leurs ennemis orientaux, ivres de victoires et de pillages depuis des décennies. Pourtant, face à la splendeur de la ville, le cousin de Batou Khan, Möngke, est pris de remords à l'idée de la réduire en poussière. Une nouvelle fois, les Mongols offrent aux habitants de Kiev de se rendre sans coup férir. Une nouvelle fois, ceux-ci font un colis avec les têtes des émissaires de leurs ennemis.
A Kiev, 48’000 habitants tués sur 50’000
Plutôt que de risquer la vie de ses cavaliers, Batou Khan place ses énormes catapultes devant les murailles de la ville et les bombarde de projectiles pendant plusieurs jours. Quand assez de brèches sont ouvertes, la Horde d'Or prend la capitale d'assaut. La date exacte de cet assaut n'est pas avérée, mais la date du 19 novembre au matin est souvent évoquée. Plus certain et mieux chiffré est le destin de la population de Kiev. Epouvantés, beaucoup d’habitants avaient trouvé refuge dans l'église de la Dîme, premier édifice religieux slave oriental, dont Volodymyr 1er lui-même (voir épisode précédent) avait ordonné la construction en 988. Les Mongols l'incendient et achèvent ceux qui tentent de s'en échapper.
Sur les 50'000 habitants de Kiev, les Mongols en massacrent 48'000. Une fois les princes de Kiev soumis, les Mongols poussent jusqu'en Hongrie et en Pologne et même jusqu'à l'Adriatique. Cette bataille de Kiev n’est ni la première, ni la dernière. Wikipedia en compte 23, de 898 à 2022, avec une intensité particulière au XXe siècle.