Ces Cosaques ukrainiens antisémites qui ont vendu leur pays à la Russie, par mégarde
Au milieu du 17e siècle, les Cosaques d'Ukraine n'en peuvent plus de leurs maîtres polonais et des juifs que ces derniers ont laissé prospérer sur les terres ukrainiennes. Ils massacrent les juifs par dizaine de milliers, mais peinent à tenir tête aux Polonais. Alors leur chef, Bohdan, demande une simple «protection» au tsar de Russie et signe, en 1654, le traité de Pereïaslav. Une erreur monumentale. Car il soumet ainsi son pays à la domination russe, pour trois siècles. En 2022, l'invasion décidée par Poutine suivra la même conception: l'Ukraine est éternellement appelée à une réunification avec la Russie.
Ce 18 janvier 1654, un froid humide et pénétrant monte du Dniepr. Dans la petite ville de Pereïaslav, non loin de Kiev, se tiennent réunis les représentants d'Alexandre 1er, tsar de Russie, et Bohdan Khmelnytsky, le Hetman cosaque d'Ukraine, entouré de ses hommes. Hetman veut dire chef, de l'allemand Hauptmann. Il règne sur le Sitch zaporogue, un proto-Etat cosaque de la région de Zaporijjia (oui, c’est la centrale nucléaire menacée par la guerre actuelle), une région aussi appelée les Plaines sauvages.
L'ambiance est à l’optimisme prudent chez les Cosaques, au calcul tout oriental chez les Russes. Cela fait six ans que se prépare cette réunion.
Militairement aux abois et en recherche de légitimité politique, les Cosaques ukrainiens veulent obtenir, sans trop céder, la garantie d’une protection militaire contre les Polonais de la part du grand cousin russe. Pour les Russes, circonspects et se laissant prier, il s’agit de donner le change et de faire croire aux Cosaques qu'on leur accordera exactement ce qu'ils demandent. Rien de plus. Enfin, presque rien.
Un enjeu sanglant
Dans toutes les tragédies, ce presque indique au lecteur que l'histoire ne fait que commencer: les bombardements en cours dans le Donbass sont la directe continuation de ce fameux traité, ou malentendu, de Péréïaslav.
Bohdan finit par le signer, suscitant les hourras de son peuple et les sourires impénétrables des Russes. Mais le texte de cet accord ne nous est pas parvenu et sa signification reste un enjeu sanglant entre Kiev et Moscou, depuis 369 ans.
La République des Deux-Nations
Près de trois siècles se sont écoulés depuis l’épisode précédent de ce récit. Nous nous sommes quittés à la fin du 14e siècle, lorsque le fameux Ladislas II Jagellon, d'origine lituanienne, devient catholique et roi de Pologne, laquelle englobe la Rus' de Kiev. Ce pays, immense, prend le nom d'Union de Pologne-Lituanie, c’est-à-dire le royaume de Pologne et le grand-duché de Lituanie.
Constitué en 1385, il s'étend de Gdansk jusqu'au sud-est de l'Ukraine et de Poznan (à l'ouest) à Smolensk (à l'est). En 1569, à Lublin, l'Union change de statut. Elle devient la République des Deux-Nations, une monarchie élective d'une grande originalité politique et, surtout, d'une étourdissante diversité religieuse.
Terre de diversité religieuse
Cette diversité religieuse est l'un des principaux éléments distinguant l'Ukraine de la Russie, uniformément orthodoxe. On a vu que les Ukrainiens, orthodoxes depuis quatre siècles, ont été englobés dans un vaste territoire dont les rois sont catholiques depuis le baptême de Ladislas en 1386.
Dans ce même territoire pourtant, les populations les plus orientales restent longtemps païennes. Et une partie des habitants du sud, surtout après la prise de Constantinople en 1453, est musulmane. S'y ajoutent deux communautés minoritaires dont l'importance ne peut être sous-estimée: les chrétiens orientaux et les juifs.
Le mystère khazar
L'histoire des juifs d'Ukraine a suscité des rivières de sang et alimenté des bibliothèques entières. On y reviendra dans un prochain épisode. Des données très actuelles: le président ukrainien Volodymyr Zelensky est juif russophone et les Russes ont envahi le pays pour, soutiennent-ils, «dénazifier l’Ukraine».
Avant même que la Rus' de Kiev ne se constitue, les juifs sont intégrés, et probablement dominants, dans le royaume khazar, dont l'existence excite les historiens encore plus que l'Atlantide. Selon l'historien hongrois Arthur Koestler, repris en partie par l'archéologue israélien Shlomo Sand, les Khazars forment la treizième tribu d'Israël et constituent l'origine ethnique des juifs ashkénazes. Une thèse battue en brèche par beaucoup d’experts de la question.
Le rôle accru des juifs
L'historien américain Timothy Snyder avance de son côté dans son cours sur l’histoire de l’Ukraine à Yale que l'élite khazare, originellement païenne, s'est convertie au judaïsme pour des raisons obscures après avoir arrêté l'avancée musulmane dans le Caucase au 8e siècle. La Rus' de Kiev contribue au démembrement de ce royaume, mais les juifs restent dans la région. On suppose que vers le 14e siècle déjà, ils représentent environ 5% de la population de la Pologne-Lituanie. Des estimations à prendre avec précaution.