Séisme en Turquie: au Hatay, la colère contre Erdogan et les soupçons de dissimulation
Dans le Hatay, l’une des provinces les plus touchées du pays, le séisme ne passe pas. Trois mois après les secousses, des bénévoles aident encore les victimes et dénoncent l’inaction du gouvernement qui, lui, voudrait plutôt jeter un mouchoir sur l’ampleur du désastre. Il se murmure que le bilan dépasse de très loin les chiffres officiels.
Les yeux encore rougis de sommeil, les passagers du bus Mersin-Iskenderun se redressent. Il est 9h30. Il a fallu quitter le centre de Mersin quatre heures plus tôt pour rejoindre la gare routière située à 40 minutes de trajet en dolmuş (on prononce «dolmouche»), ces minibus bringuebalants où se pressent une dizaine de personnes dans une ambiance surchauffée. Le trajet coûte une bouchée de pain, 40 centimes.
La cité portuaire d’Iskenderun, l’ancienne Alexandrette, commence à apparaître derrière les fenêtres, et avec elle les premiers stigmates du terrible séisme de février. Certains passagers immortalisent l’entrée en ville avec leur smartphone. La devanture d’un hôtel est éventrée. On longe un terrain vague. Je comprendrai plus tard que ces espaces vides étaient occupés, il y a encore trois mois, par des immeubles. Ils ont dû être rasés.
On dépasse des tentes de réfugiés parfaitement alignées, labellisées AFAD. C’est le sigle de la Direction turque de gestion des catastrophes et des situations d’urgence, créée en 2009 par la fusion de plusieurs départements gouvernementaux pour améliorer la réponse d’urgence aux catastrophes naturelles.
La gare routière grouille déjà de monde. Les élections ont lieu dans une semaine. Les vitrines des échoppes voisines arborent les couleurs de leur leader. Le Hatay est une région où vit une forte communauté alaouite, proche de la Syrie voisine et souvent mal vue par les Turcs adeptes d’un islam traditionnel. Cette population-là ne cache plus sa colère.