Publié le 30 décembre 2020 05:30. Modifié le 29 janvier 2021 23:38.
A la mi-août, les Japonais ont droit à (environ) une semaine de congé, ce sont les vacances d’Obon. Comme ils sont nombreux à partir à l’étranger, les prix atteignent des sommets. Impossible pour des roturiers comme mon ami et moi d’aller bien loin. Nous décidons donc de partir en voyage à Shizuoka, où mon ami a passé son enfance, dans la famille de sa mère, originaire de la région.
La maison familiale s’y trouve. Elle est aujourd’hui habitée par l’oncle maternel. Naïvement, je propose d’aller lui rendre visite. Ce serait aussi l’ occasion d’aller se recueillir sur l’hôtel funéraire de la grand-mère. Un coup de fil plus tard et nous voilà arrivés.
Le problème, c’est que visiblement on a omis de préciser mes origines occidentales. Le portail s’ouvre et je vois le visage de la tante se figer de stupeur.
Nous sommes malgré tout invités à entrer. Sur le perron, le maître de maison nous attend.
Nous voilà installés au milieu des tatamis. Erreur fatale, je m’assieds à la place d’honneur. Ce privilège est réservé au vénérable oncle ou, à la rigueur, à mon ami (homme et plus âgé). Je suis instantanément rétrogradée au rang de femelle étrangère arrogante. Catastrophe. La tante nous sert du thé puis disparaît à la cuisine. Elle ne fera plus d’apparition jusque à notre départ. Son éminence l’oncle médecin se tourne vers moi et attaque frontalement.
Cinq minutes exactement que j’ai mis les pieds dans cette maison et on en est déjà aux crimes de guerre. Mon cerveau fonctionne à 100 à l’heure, j’évalue mes possibilités.
L’oncle ne lâche pas le morceau. Après les banques suisses, c’est mon emploi qui y passe. «Votre travail ne nécessite qu’un diplôme d’économie élémentaire, je suppose.» Je dois impérativement rester calme. Pleine d’espoir, je me tourne vers mon ami en quête d’un éventuel salut.
Il me laisse patauger encore quelques longues minutes, puis il ravale son fou-rire et vient me sortir de ce bourbier.
Maintenant qu’il est clair qu’une partie de ma famille est fréquentable, nous passons le reste de l’après-midi à commenter les photos officielles (taille A3) exposées un peu partout et représentant l’oncle décoré avec sa femme humblement assise sur une chaise. Exténuée, je quitte Shizuoka en ruminant ma future vengeance. Je prendrai ma revanche au nom de Nankin, de la Mandchourie et de la Corée, mon heure viendra!