Comment la cybersanté fait de nous des malades en puissance
Compter ses pas et surveiller son poids sur une app, c'est du bien-être connecté. Mais à quel moment cela devient un acte médical? Nous en sommes encore loin, mais l’exemple d’un WC connecté nous montrera que nos données de bien-être peuvent devenir médicales et que leur stockage ainsi que leur utilisation est un enjeu colossal pour la santé numérisée.
Le Covid a rendu tangible la problématique de la numérisation des données de santé de manière assez fracassante, notamment avec les apps’ de traçage des contacts et le certificat Covid. Depuis la pandémie, la Confédération tente d’accélérer le tempo de la numérisation de la santé en expliquant que «la pandémie de Covid-19 a démontré qu’il faut améliorer la gestion des données dans le système de santé». Sans forcément dire comment…
Face à l’avènement du tout numérique et de ses potentielles dérives, l’individu joue un rôle ambigu:
En bonne santé, il se laisse tracer par une foule d’outils numériques qu’il estime sans danger (Fitbit, iWatch, etc.) tout en fournissant au passage des données intéressantes aux géants d’internet.
Malade, il ne sait pas trop où et comment sont conservées ses données médicales, bien plus sensibles qu’un simple relevé de pas quotidien, avec le risque ici d’une perte de souveraineté. Risque accentué par le déploiement du dossier électronique du patient (voir ci-dessous).
Mais dans un cas comme dans l’autre, savoir où et comment sont conservées nos données de santé ou de forme et nos données médicales, voilà une chose importante, qui nous concerne toutes et tous!
Si ces deux problématiques semblent éloignées, elles commencent à se rejoindre. Car la nuance entre le «self quantified», que l’on peut traduire par automesure connectée permanente, et la numérisation des données médicales est en train de se réduire, pour le meilleur et pour le pire. A vrai dire, la collecte de données peut aller loin, très loin. Jusqu’à votre anus en fait.
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Tracé jusqu’aux selles
Avez-vous déjà entendu parler des wc intelligents? La firme japonaise Toto avait tenté la commercialisation d’un modèle au début des années 2000, avant d’abandonner faute de demande. Aux Etats-Unis, à l’université de Stanford, on a remis l’ouvrage sur le métier en mettant au point un prototype de cabinet apte à détecter plusieurs maladies (cancer de la vessie et insuffisance rénale, notamment) grâce à des analyses de selles, d’urine et des capteurs de pression et de mouvement. Des recherches qui ont donné lieu à une publication dans le très sérieux journal scientifique Nature, le 6 avril 2020.