La mort aux portes du paradis
Italie, novembre, quelques semaines après l’éruption, nos jeunes Romands en cavale vivent l’utopie de la déconnexion sur les cendres de Naples. Avec les boat-people climatiques (version paquebots de croisière organisés pour blanchir l’Amérique), on commence à comprendre comment Nora deviendra réfugiée solitaire à New York.
Sur la fresque, San Gennaro est vêtu d’un manteau d’or et couronné d’une mitre éblouissante. Il flotte dans un ciel jaune, indifférent à la lave qui s’échappe du volcan en éruption juste au-dessous de lui. Le saint sourit, de sa main gauche il bénit la ville, de la droite il semble vouloir recouvrir le cratère. Vingt rubis de différentes tailles sont incrustés dans le mur à hauteur de son cou, profondément entaillé, pour figurer le précieux sang du martyr qui s’écoule dans deux ampoules tenues par la foule dévote en contrebas. Une phrase, en italien, en anglais et en chinois, gravée sur le mur, explique que les Napolitains fêtent « Saint-Janvier » trois fois par année et guettent à cette occasion le miracle de la liquéfaction de son sang, conservé dans les deux ampoules. Si le sang ne se liquéfie pas – et cela arrive très rarement –, c’est qu’une catastrophe est imminente.
Depuis cinq jours, Nora se réveille la première. Elle actionne les interrupteurs des deux gros blocs de sel rose posés sur le sol noir et doux, contemple un moment la fresque au-dessus du lit, sur le mur opposé. Adresse une brève prière à San Gennaro, attrape le petit pot de gelée royale sur sa table de nuit et y trempe un doigt. Depuis cinq jours, elle se réveille aux côtés de Vasko. Le deuxième soir, ils ont enfin fait l’amour. Ça a duré très peu de temps, et puis ils ont recommencé, à chaque fois les sensations ont été plus fortes, plus profondes, Nora a redécouvert son corps, après la peur, les habits mouillés, la crasse. Elle a repris confiance. Le deuxième matin, Vasko lui a dit qu’il l’aimait.