Oui, la Suisse a bien une histoire coloniale

«J'ai dit à Monsieur et Madame la ministre: je suis contente que la Suisse n'ait jamais participé ni à ces histoires d'esclavage ni à la colonisation.» Tels ont été les mots de la conseillère fédérale Doris Leuthard, alors présidente de la Confédération, dans une interview télévisée en visite diplomatique au Bénin en 2017.

Une parole qui a du poids lorsqu’elle vient du «primus inter pares» de la Confédération. C’est aussi un discours que l’on entend régulièrement en Suisse. Mais il faut le dire: cette croyance occulte une partie de la réalité historique.

Des ouvrages peu connus du grand public

Plusieurs ouvrages attestent des liens de la Suisse à l’esclavage. On peut citer La Suisse et l’esclavage des Noirs (2005) ou Une Suisse esclavagiste: voyage dans un pays au-dessus de tout soupçon (2007). Le spécialiste d’histoire économique Bouda Etemad, professeur honoraire des universités de Genève et de Lausanne, vient également de publier De Rousseau à Dunant: La colonisation et l’esclavage vus de Genève.

Que révèlent ces ouvrages sur l’histoire coloniale suisse? «Que la Suisse a pris part, d’une manière différente, à la colonisation européenne en Afrique», résume Marisa Fois, historienne à l’Institut de recherches sociologiques de l’Université de Genève, qui a codirigé avec Sandro Cattacin un ouvrage collectif intitulé Les Colonialismes suisses.

Un entretien avec Bouda Etemad y figure, dans lequel l’éminent historien se montre sans appel: «Si vous considérez les familles, des personnes privées, des entreprises, des institutions non publiques, non officielles alors oui, ce qui est aujourd’hui la Suisse a, par ses personnes, par ses citoyens, participé à la traite négrière, à l’esclavage et à la colonisation.»