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Journée grise dans la peau d'une personne de couleur

Le racisme? «Un problème américain ou français qui ne concerne pas la Suisse», entend-on souvent. Et pourtant: inspiré de faits réels, voici ce qui peut se passer tous les jours en Suisse lorsque l’on fait partie d’une minorité visible

Publié le 18 février 2023 05:55. Modifié le 21 février 2023 10:03.

En 2018, l’élu UDC tessinois Lorenzo Quadri a proposé de dissoudre la Commission fédérale contre le racisme. «Il va de soi qu'un pays qui compte 25 pour cent d'étrangers et dont la moitié de la population est issue de la migration ne peut être raciste», écrivait-il alors.

Pour beaucoup, il semble difficile d’imaginer ce qui peut arriver aujourd’hui en Suisse, même si ce n’est pas systématique, dans la journée d’une personne racisée. Nous avons donc tenté de vous le raconter: tous ces exemples sont des faits réels qui nous ont été rapportés et que nous avons concentré sur une journée - peu joyeuse.

Il est 7h30, vous sortez de chez vous et marchez en direction de l’arrêt de bus pour vous rendre au travail. Vous croisez une femme qui vous dit:

– Descends du trottoir, il est à moi.

Vous lui demandez de répéter, pour être sûre d’avoir bien compris. Elle répète. Choquée, vous parlez d’appeler la police, car il s’agit d’une agression verbale raciste.

– ça m’est bien égal. Avec les gens comme vous, on a l’habitude, dit la dame.

Un épisode qui s’est déroulé à Genève. Les variantes, enregistrées par le Centre d’Ecoute Contre le Racisme, sont des «sale étranger», «rentre chez toi» . Si vous êtes visiblement musulman, cela peut être «sale terroriste». Si vous portez le foulard, il se peut aussi qu’on vous l’arrache.

Dans le bus, votre voisin change de place

8h15, vous montez dans le bus. Vous vous asseyez à côté d’une personne qui change aussitôt de place. Cela vous arrive régulièrement. Vous tentez de penser à autre chose, mais par la fenêtre défilent les affiches des prochaines votations. Sur celle de l’UDC, «Oui, je protège la police qui me protège», un policier blanc y est menotté…par un déliquinant métisse.

Des affiches qui ne sont pas anodines. Simon Ntah, avocat pénaliste à Genève, développe: «Si des partis gouvernementaux peuvent se permettre de stigmatiser des minorités dans l'impunité la plus totale, cela engendre une normalisation des propos discriminants dans les discussions de tous les jours.» Un récent rapport d’un groupe de travail de l’ONU notait ainsi: «Le discours de haine racialisé dans la rhétorique politique est une forme particulièrement toxique de racisme, parfois qualifiée à tort de discours politique.»

8h30: Arrivée au travail. C’est selon les statistiques des centres d’écoute le lieu où se produisent le plus fréquemment des discriminations racistes. «Je préfère quand tu as les cheveux lisses», vous dit l’une de vos collègues ce matin-là, alors que vos cheveux sont laissés au naturel et que vous ne lui aviez pas demandé son avis. Vos collègues, dans la multinationale pour laquelle vous travaillez à Genève, ont pour habitude de systématiquement commenter votre coiffure. Votre chef arrive et salue un à un tous les membres de l’équipe. Vous, il vous ignore, passant ostensiblement devant votre main tendue. Certains membres de l’équipe s’en rendent compte, mais ne disent rien. Vous êtes la seule femme noire du groupe.

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Il est midi, vous faites vite un saut à la Poste pour envoyer un colis. Un moment que vous espérez rapide avant de retourner au bureau. Mais cela ne se passe pas comme prévu. «Sale négresse!»… «Foutez le camp, on ne veut pas de nègre ni d’enfants nègres dans la poste»… «Si vous rentrez dans la poste, je vous renvoie dans les champs de coton!». Cela s’est produit en 2009 au bureau de poste de Châtelaine, à Genève, pour une jeune mère Suissesse d’origine africaine. Le collectif Afro-Swiss qui lutte contre le racisme s’est constitué partie plaignante à la suite de cet incident.

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