Extrait du compte Instagramm Swissmediatoo, qui répertorie des remarques racistes ou sexistes entendues dans les médias, créé en novembre 2020 par un collectif d'employées de la RTS. | Capture d'écran adaptée

«Alerte Roms», «Le coup de la Russe», «Y a que des Noirs»: racistes malgré eux, les médias?

Le racisme traverse toute la société, pas de raison que les médias fassent exception. Mais l’enjeu dépasse de loin les incidents sur le lieu de travail: qu’on le veuille ou non, l’information participe à façonner les opinions et peut perpétuer des stéréotypes racistes ou xénophobes. Les rédactions sont confrontées à un autre problème: des lecteurs ou spectateurs parfois très décomplexés sur le sujet.

Publié le 23 février 2023 17:05. Modifié le 26 février 2023 13:33.

«J’aurais jamais cru travailler pour une femme et encore moins une négresse». Un collègue évoquant sa nouvelle cheffe, entendu à 20 Minutes.

Ce témoignage a été publié sur le compte Instagram Swissmediatoo, lancé par un collectif de femmes de la RTS. Les cas de sexisme rapportés y sont nombreux, mais ceux de racisme ne sont pas en reste. «Y bon banania: l’objet du mail d’un rédacteur en chef dans lequel il qualifiait un artiste de nègre.» Ou encore, entendu dans une rédaction du groupe Gassmann: «Les Arabes sont très mauvais, mais toi tu es différente», aurait lancé le patron à une acheteuse de la SRG.

« Y a que des Noirs dans ce sujet»

Un autre exemple? «Y a que des Noirs dans ce sujet.» En régie pendant le 19h30 de la RTS, à propos d’un sujet sur les traversées de la Méditerranée.

Si ces témoignages ont de quoi choquer, ils reflètent une réalité statistique: la plupart des incidents racistes recensés ont lieu sur le lieu de travail, comme le rappelle un rapport de 2021 produit par le Réseau de centres de conseil pour les victimes du racisme. Pas de raison que les médias soient entièrement épargnés.

Mais ces récits interpellent pour une autre raison. A la fois quatrième pouvoir et fabrique des opinions, la presse produit l’essentiel de l’information consommée par les citoyens suisses. Se pose la question des biais racistes que reflètent et véhiculent parfois ces productions, au sein de rédactions où les journalistes racisés se comptent par ailleurs sur les doigts de la main.

Quelques exemples ont frappé les esprits, à l’image de ce dossier de la Weltwoche, en 2012: «Les Roms arrivent: razzia sur la Suisse». Et avec le titre, l’image: en une du journal, un enfant à la peau sombre pointe un pistolet vers le lecteur. Un choix qui avait fait l’objet de plaintes et de dénonciations. La même année, le titre «Alerte Roms à Plainpalais» (GHI) avait aussi suscité un émoi certain.

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La une du Weltwoche sur les Roms en 2012, qui avait fait l'objet de plaintes. | Capture d'écran.

Disons-le d’emblée, ces cas extrêmes ne sont pas fréquents. Un récent rapport de l’Académie du journalisme et des médias de l’Université de Neuchâtel souligne que «si quelques journalistes malintentionnés, provocateurs ou carrément racistes sont responsables des productions les plus problématiques, ceux-ci demeurent des exceptions.»

Mais le rapport appelle à s’interroger plus en profondeur, sur les représentations implicites perpétuées dans les médias: «Au-delà des cas les plus problématiques, le constat demeure sans appel: les médias d’information participent involontairement à la création et à la reproduction des stéréotypes négatifs qui sont à l’origine de préjugés et de discriminations pesant lourdement sur le vivre-ensemble.»

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