Pierre Maudet: la campagne de la dernière chance
Publié le 23 janvier 2021 06:00. Modifié le 24 janvier 2021 13:03.Tout a été dit sur Pierre Maudet, croyez-vous? Nous allons tenter de vous prouver le contraire. D’abord, difficile de dire si cette campagne pour l’élection complémentaire au Conseil d’Etat les 7 et 28 mars (pour le 2e tour) est une pantalonnade, une ultime «Genferei», un rendez-vous du destin pour cet homme que les Genevois ont adulé avant de le voir s’enfoncer dans les mensonges, ou alors un virage politique important pour le canton.
Car cette élection, au-delà du sort qu'elle réservera à M. Maudet, pourrait bouleverser les majorités. La droite part en ordre dispersé alors que la gauche fait front commun. Elle pourrait aussi raviver les tensions au sein du PLR entre radicaux et libéraux. Elle montrera encore l'extraordinaire difficulté de faire compagne en pleine pandémie. Dans tous les cas, nous serons là, pour couvrir les deux prochains mois avec une série d’épisodes, mêlant actualités et approfondissements.
Nathalie: Pour ce premier épisode, je me suis posé une question simple: que peut bien faire Pierre Maudet de ses journées?
Marc: Et alors?
Nathalie: Je me suis postée devant sa permanence de conseil aux laissés-pour-compte de la pandémie. Je n’ai pas pu suivre les entretiens, mais le résultat est intéressant. L’épisode raconte sa détermination à faire campagne dans d’étranges conditions. Et on peut lui faire confiance pour nous réserver des surprises, comme en atteste son livre paru mercredi.
Marc: Cela valait la peine de te congeler des heures durant en Vieille-Ville?
Nathalie: Cela m’a au moins permis de constater qu’il ne chôme pas, qu’il croit en sa réélection et surtout qu’il bénéficie encore, malgré tout, du soutien d’une partie de la population. Et toi, tu te penches sur quoi?
Marc: L’étonnant destin de celui qui était surnommé «M. Propre», l’ardent promoteur de la salubrité publique, dans les rues comme en politique. Puis nous nous intéresserons à ses soutiens, à ses ennemis, à son ancien parti et, bien évidemment, à son procès qui surgira en pleine campagne. Il lui est reproché d’avoir accepté un avantage en se faisant offrir le séjour à Abu Dhabi qui a causé sa chute.
Nathalie: Le dossier semble solide?
Marc: Gageons que le Ministère public n’a pas instruit une telle affaire à la légère. On verra bientôt si ces audiences de jugement constitueront une formidable tribune politique ou un pilori.
Nathalie: Dans tous les cas, s’il est condamné, il peut faire recours. Mais s’il est élu, cela donnera une situation vraiment inédite.
Marc: Tu crois qu’il a des chances?
Nathalie: On ne sait jamais. Son étoile a indéniablement pâli, mais il reste une bête politique qui ne manque pas d’idées pour faire bouger les choses. Et toi?
Marc: Ce scénario serait ahurissant à tout point de vue. Une caution populaire du mensonge en politique, construit de surcroît pour se soustraire aux questionnements de la justice. Un probable séisme à droite, au moins au PLR qui reste le premier parti du canton. Et surtout, comment le Conseil d’Etat pourrait-il fonctionner en pareilles circonstances?
Nathalie: C’est vrai que cela ne serait pas évident. Mais la pandémie crée un contexte particulier. Il ne faut pas sous-estimer le ras-le-bol envers les mesures sanitaires, même si ce n’est pas forcément rationnel. Pierre Maudet a bien compris ce ressenti d’une frange de la population. Il est habile, il pourrait en tirer profit. Il est soutenu par bon nombre de petits commerçants, d’entrepreneurs et de restaurateurs. Sans oublier l’aile radicale du PLR, qui (re)commence à lui afficher publiquement son soutien. D'où l'intérêt de suivre cette campagne de près.
Marc: Je ne suis pas certain que cela suffise, arithmétiquement... Et face à lui le PLR a aligné un poids lourd.
Nathalie: Probablement que ça ne suffira pas. Mais ce n’est pas la première fois qu’on le dit perdu d’avance. Souviens-toi, en 2012 lors de l’élection partielle à ce même Conseil d’Etat après la démission forcée de Mark Muller. Peu de gens pariaient sur Maudet.
Marc: Juste, mais à cette époque il venait d’achever une année plutôt réussie en tant que maire de Genève. La configuration n’avait rien à voir!
Nathalie: C’est vrai. Voyons le 7 mars s'il se révélera M le Phoenix, qui renaît de ses cendres...
Marc: ou M le Maudit qui a menti.