Vous pensez avoir tout lu sur le conflit israélo-palestinien? Minute papillon
Détournons un instant notre regard de l'Ukraine. Violence des Palestiniens, violence des colons et révolte générale en Israël: cela fait longtemps que la situation n’a pas été aussi tendue et dangereuse. Pendant ce temps, une reporter a parcouru la Cisjordanie pour Heidi.news et rapporte un récit saisissant sur l'humiliation au quotidien.
Ce n’est pas une troisième Intifada qui secoue Israël, mais une triple Intifada, pour ainsi dire:
- Celle de jeunes Palestiniens armés, écœurés par leurs autorités impuissantes et corrompues, qui s’en prennent à des Israéliens. Notamment le nouveau groupe armé Areen Al-Oussoud («La Fosse aux lions»), basé à Naplouse.
Celle des colons israéliens qui étendent leur emprise sur les territoires occupés et ont mis le feu à plus de 200 habitations palestiniennes. Un feu attisé par le ministre israélien des finances, Bezalel Smotrich, suprémaciste juif et fondamentaliste religieux, en charge des territoires occupés et qui appelle à leur annexion.
Celle de la grande révolte de la société israélienne et d’une partie de l’armée contre la réforme de la justice visant à brider les pouvoirs de la Cour suprême, voulue par le premier ministre Benyamin Nétanyahou et ses alliés d’extrême-droite et religieux.
Cela fait longtemps que la situation n’a pas été aussi tendue et dangereuse.
Record de morts en 2022
Selon les Nations unies, l’année 2022 affichait déjà le triste record de 146 Palestiniens tués par l’armée israélienne, dont la journaliste Shireen Abu Akleh, pour plus de 20 morts côté israélien. Or, depuis le 1er janvier 2023, 77 Palestiniens (combattants et civils, dont des mineurs) ont été abattus, ainsi que 12 civils israéliens (dont trois mineurs) et un policier.
Alors que tous les regards sont braqués sur l’Ukraine et l’avancée des troupes russes, mètre par mètre et dans le sang, Heidi.news a choisi de revenir sur un conflit non pas oublié, mais permanent. Un conflit compliqué, qui lasse ses observateurs les plus attentifs. Un conflit asymétrique, où la violence profite aux extrémistes des deux bords, mais où l’armée israélienne finit toujours par imposer son écrasante supériorité.
Lassitude générale
Chères lectrices, chers lecteurs, comment vous convaincre de lire le grand reportage que nous allons publier ces prochaines semaines par épisodes? Je sais que votre temps est compté. Je sais aussi que vous pensez tout savoir sur cette bande de terre où la violence est devenue si banale qu’on en oublie les souffrances quotidiennes qu’elle engendre. Moi aussi, je le pensais, jusqu’à l’autre jour, quand Lorène Mesot est revenue de trois semaines en Cisjordanie où elle a travaillé avec le photographe Lucien Lung.
Ses récits m’ont saisi et j’aimerais qu’il en soit de même pour vous. Car l’humiliation quotidienne que subissent les Palestiniens n’est pas rendue plus acceptable, au regard des droits humains, par le fait qu’elle dure depuis des décennies.
Comme journaliste, Lorène n’est pas du genre à raconter ses exploits, sanglée dans une veste multipoches, accoudée au bar d’un grand hôtel. Jusqu'à récemment, elle couvrait les questions de santé pour Heidi.news. L’automne dernier, elle a reçu le prix Suva des médias pour une série sur les enfants en Suisse ayant grandi avec des parents atteints de troubles psychiques.
L’essence de notre métier
C’était son premier voyage au Moyen-Orient. Elle est partie avec une feuille blanche, pour écouter, à hauteur d’homme et de femme, les histoires de celles et ceux qui n’ont souvent que le mur pour horizon. Elle raconte ce qu’elle a vu, à la première personne, sans prétention, sans a priori, et a cherché aussi quelques raisons d’espérer. Voilà, pour moi, l’essence de notre métier et l’une des raisons pour lesquelles nous avons créé Heidi.news il y a bientôt quatre ans: arpenter le terrain et mettre des mots sur la vie des autres.
Note: Un mécène genevois, membre fondateur de Heidi.news et humaniste, a apporté son soutien à ce reportage. Il ne souhaite pas que son nom soit publié, étant donné la sensibilité du sujet.