Sulaiman Khatib, co-fondateur des Combattants pour la Paix, à Ramallah, Cisjordanie, le 7 fevrier 2023. | Riva-press / Lucien Lung

Des geôles israéliennes aux Combattants pour la paix, l’étonnant parcours de Sulaiman Khatib

Sulaiman Khatib est palestinien. Il a poignardé des soldats israéliens à 14 ans et passé les dix suivantes en prison avant de choisir la non-violence. Avec Tuly Flint, un ancien soldat israélien, il milite pour la fin de l’occupation des territoires au sein de l’ONG Combatants for Peace. Entretien avec une figure de la non-violence, saluée aux quatre coins du monde mais dont la démarche est loin de faire consensus.

Publié le 26 mai 2023 13:48. Modifié le 01 juin 2023 15:00.

Chaque année depuis 17 ans, une cérémonie de commémoration unique en son genre agite jusqu’aux plus hautes sphères politiques de l’Etat hébreu. La veille de Yom Hazikaron, le jour de commémoration nationale des victimes israéliennes de la guerre, des familles endeuillées des deux côtés du mur se retrouvent pour «pleurer ensemble» les victimes des violences, tous drapeaux confondus. Ce 24 avril 2023, ils étaient 15’000 dans le parc Ganeï Yehoshua de Tel-Aviv. Parmi eux, quelque 150 Palestiniens.

Dans la région, l’initiative fait polémique. Côté palestinien, on l’accuse de normaliser les relations avec Israël. Côté israélien, de légitimer le terrorisme.

Elle est l’œuvre de deux ONG: The Parents Circle Families Forum et Combatants for Peace. Cette dernière est composée d’anciens combattants palestiniens et d’ex-soldats israéliens qui ont déposé les armes et militent désormais pour les droits humains et la fin à l’occupation, dans la non-violence. Sulaiman Khatib est l’un des architectes de ce mouvement qu’il a cofondé en 2006. Salué à l’international, il reçoit son lot de critiques dans la région.

Nous rencontrons «Suli» dans un café de Ramallah tout ce qu’il y a de plus moderne. Enfoncé dans un fauteuil, l’homme est plongé dans le travail. Dehors, c’est le déluge.

Heidi.news – Vous êtes passé de la lutte armée à une ONG pacifiste. Quel est votre parcours?

Sulaiman Khatib – J’ai grandi à Hizma, un village au nord-est de Jérusalem où ma famille vit depuis toujours. L’occupation fait partie de mon quotidien depuis ma naissance — autour de Jérusalem, l’armée est très présente. J’ai entrepris ma «quête» pour la cause palestinienne très tôt. A 13 ans, j’ai rejoint la résistance. A cet âge, dans ma génération, les activistes n’étaient pas majoritaires, loin de là. Moi, je nageais dans cette mouvance, mon grand frère y était et il était déjà coutumier des séjours en prison. Je rencontrais des anciens prisonniers, des gens plus âgés que moi.

J’ai commencé prendre des drapeaux palestiniens à l’école, à jeter des pierres sur les soldats. J’écoutais de la musique révolutionnaire. Mes héros s’appelaient Yasser Arafat et Che Guevara. J’étais dans un petit groupe d’adolescents et je jouais le rôle de coordinateur avec le groupe des adultes.

A cette époque, une grande colonie était en construction dans les environs et rendait plus difficile encore l’accès à Jérusalem. L’armée démolissait régulièrement des maisons de notre village. Un jour, elle a rasé celle d’un ami. Nous voulions nous venger… Frapper fort. Mais nous n’avions pas d’armes. Nous avons poignardé des soldats pour leur voler les leurs. Il ne leur a fallu que quelques jours pour nous retrouver. Tout le groupe a été arrêté.

Les soldats sont-ils morts?

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