Dans l'enfer des frontaliers palestiniens: «Hier, je me suis fait écraser. Aujourd’hui j’attends»
Chaque jour à l’aube, des dizaines de milliers de travailleurs palestiniens quittent les territoires occupés pour aller gagner leur vie en Israël et à Jérusalem-Est. Le travail est harassant et le chemin pour s’y rendre, périlleux.
Il n’y a pas un chat. Enfin si, quelques-uns trottinent le long des rues pentues de la vieille ville de Bethléem, désertes à cette heure. Jusqu’aux artères du centre, où des grappes de véhicules s’agglutinent aux feux rouges. Et soudain, ils sont là. Les anonymes à capuche. Dans la pénombre, ils surgissent à chaque intersection, à chaque coin de rue. Le pas pressé, un sac à dos râpé sur les épaules. Il est 5h15 du matin et ils sont déjà en retard.
L’étrange procession converge vers un cul-de-sac. Au bout de la route Al Khalil-Al Quds, l’horizon est bouché par le mur de séparation. A son approche, les taxis collectifs déversent de nouveaux anonymes à capuche qui viennent grossir la foule. La prochaine étape ne peut se faire qu’à pied.
Ces milliers de visages mal réveillés répondent au même appel, celui des salaires qu’Israël débourse pour la main-d'œuvre palestinienne bon marché. La plupart travaillent dans la construction. Cinq ou six jours par semaine, ils empruntent le même parcours du combattant: il passe invariablement au checkpoint 300 de Bethléem. Un barrage militaire qui, une fois franchi, leur permet d’accéder à Jérusalem-Est et Israël.
Pour quelque 270 shekels la journée (70 francs suisses), ils sont plus de 8000 anonymes à capuche à pointer le matin, les traits creusés, et repasser le soir, les muscles endoloris.
«Hier, je me suis fait écraser. Aujourd’hui j’attends»
Le checkpoint mène de l’autre côté du mur. Son entrée est constituée d’une allée de béton, encadrée de barreaux métalliques et recouverte d’un plafond en tôle, qui court sur plusieurs dizaines de mètres. La suite se déroule à l’intérieur et se conjugue en couloirs, tourniquets, scanner à rayons X pour les effets personnels et postes de contrôle automatique de l’identité. Le tout sous l'œil froid des caméras. Derrière, des soldats israéliens invisibles décident si le tourniquet tourne ou se bloque. L’attente dépend aussi du bon vouloir des militaires. Et ce 13 février, il faut croire que le bon vouloir n’y est pas. La file – c’est moins une file qu’un tas — fait du sur place.
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