Derrière Yasmine, le mur de séparation et la "route des tunnels", réservée aux colons. | Riva-press / Lucien Lung

Cette femme palestinienne n’existe pas: voici son portrait

Yasmine n’a ni compte bancaire, ni permis de conduire, ni assurance maladie. En fait, elle n’existe pas. Israël refuse de fournir des papiers d’identité à cette jeune Palestinienne de 27 ans. Rencontre avec un fantôme tout ce qu’il y a de plus vivant. 

Publié le 21 mars 2023 15:50. Modifié le 26 mars 2023 11:30.

Yasmine n’a pas la vie devant elle. Juste un mur. Ou plutôt deux. Il y a celui qui s’est matérialisé sous les fenêtres de l’appartement familial, en banlieue de Jérusalem, en 2014 quand Israël a procédé à l’extension du mur de séparation. Et puis, il y a le mur invisible qui l’étouffe depuis plus de onze ans: sa situation administrative. Yasmine n’a pas d’identité.

«Pas de papiers, ça veut dire pas de voyage, pas de compte bancaire, pas de permis de conduire, pas d’assurance maladie. Si j’ai un accident ou que je suis malade, mes parents et moi devons payer l’intégralité des soins à l’hôpital. Par contre, je paie mes taxes et mes impôts à la municipalité de Jérusalem, et donc à Israël. Pour ça, il n’y a pas de souci, ils ne s’en privent pas», expose calmement Yasmine, attablée dans le salon familial, devant un café fumant et des biscuits à la figue.

La jeune femme aux cheveux bouclés et au regard pénétrant est lasse. Lasse de répéter son histoire depuis des années, sans voir de changement. Voilà plus de onze ans, plusieurs avocats et 80’000 dollars que sa famille et elle se battent pour la faire exister aux yeux du monde. Sans résultat.

Yasmine a aussi vu des dizaines de journalistes. Aujourd’hui, elle est convaincue que si les médias peuvent mettre en lumière les affres de l’occupation israélienne, ils ne feront pas avancer son dossier. Yasmine est une battante, mais une battante lasse. «Je suis désolée de vous le dire, mais votre article non plus ne changera probablement rien.»

Depuis qu’elle a porté son cas devant la presse, Yasmine a rencontré beaucoup de personnes dans des situations similaires. «Puisque nous sommes invisibles, par essence, il est très difficile de savoir combien nous sommes, mais des ONG des droits humains parlent de milliers de Palestiniens et Palestiniennes concernés.»

Au mauvais endroit au mauvais moment

Sa (très théorique) non-existence est le fruit de la politique de fragmentation de la population palestinienne menée par Israël.

Selon leur statut et le territoire où ils résident — en Israël, à Gaza, en Cisjordanie ou à Jérusalem-Est —, les Palestiniens sont soumis à des régimes juridiques et administratifs différents, avec des documents d’identité distincts, délivrés par ou soumis à l’approbation d’Israël. Concrètement, dans la vie de Yasmine, ça donne ça:

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