Au camp de réfugiés palestiniens, un semblant d'enfance par le vélo
Dans le camp de réfugiés al-Am’ari à Ramallah, l’excitation monte d’un cran tous les vendredis après-midi. Des cyclistes de la région viennent apprendre aux enfants à faire du vélo. Le projet ABC Palestine est sans prétention, mais tente de combler un vide abyssal.
Au premier coup de sifflet, les mains agrippent le guidon. Au deuxième, les voilà qui roulent. Les enfants pédalent en cercle, à la queue leu-leu, dans une petite cour de béton. Pour certains, comme ce petit bonhomme en gris qui finit dans les murs ou les jambes des adultes, faute de savoir s’arrêter, c’est la toute première fois. Et un pied de nez au destin.
Ces gosses aux aguets, qui rient et pédalent, ont grandi dans le camp de réfugiés al-Am’ari, à l’est de Ramallah, capitale de fait de la Cisjordanie. Ils ne voyagent pas, ne deviendront probablement jamais ingénieurs, avocats ou entrepreneurs. Ils connaissent mieux la peur des soldats que le vertige des grands huit.
Le camp de réfugiés al-Am’ari compte 6000 habitants, plusieurs écoles, un centre de santé et des magasins. Un village dans la ville, mais gardez-vous bien de l’appeler ainsi. Ceux qui y vivent ne parlent jamais que d’un «camp de réfugiés». «Village» sonne trop permanent lorsqu’on s’accroche à l’idée d’un droit au retour, pourtant bien hypothétique.
Créé en 1949 pour héberger les Palestiniens chassés par la création de l’Etat d’Israël, le camp n’avait pas vocation à exister en 2023. Sauf que les déplacés n’ont jamais pu rentrer. A la fin des années 1950, les tentes ont laissé leur place à des dédales de bâtisses en béton. Trois générations plus tard, les enfants grandissent toujours dans l’incertitude du lendemain. Les garçons y détiennent un triste record: un des taux d’abandons scolaire les plus élevés de Cisjordanie.
C’est dans ce contexte que Mohammad Zarour, «Mo», a débarqué avec une flotte de petits vélos flambant neufs.