Cinquante nuances de foin
Pour le touriste de passage, le foin est parfois considéré comme un simple accessoire pour orner les champs et décorer les granges. Pour les paysans de L’Etivaz, l’herbe séchée est tout à la fois une alchimie, un enjeu stratégique et le combustible de nombreuses controverses enflammées.
«Est-ce que vous sentez une odeur d’alcool? Ou bien le pain grillé, la biscotte? Ou encore le vieux beurre rance, le vomi, l’urine, le linge qu’on a laissé trop longtemps en machine?» Le nez plongé dans une rangée de boîtes en plastique remplies d’échantillons d’herbes sèches – du vert pâle au gris foncé, une vingtaine d’éleveurs tentent de comprendre les cinquante nuances du foin. Des jeunes avec des sweat-shirts siglés «Etivaz» de toutes les couleurs côtoient des paysans plus âgés, chemises à carreaux et chaussures de travail.
Ce samedi de novembre, ils profitent de la venue à Château d’Oex de Pierre Aeby, responsable du secteur production végétale de l’Institut agricole de Grangeneuve. Pierre, c’est l’expert du foin. Rien qu’à l’odeur, il peut expliquer ce qui cloche. Il y a les évidences: «Les odeurs de vieille chaussette ou de bottes mouillées, c’est le signe de bactéries dues à des moisissures». Et puis des vérités moins intuitives. «Quand ça sent bon le caramel, l’échauffé, les vaches adorent. Mais ce n’est pas bon signe! Votre foin a gagné en température, et a perdu ses protéines.»