Jeune fille étudiant chez elle, en France | KEYSTONE/MAXPPP/Grégory YETCHMENIZA

«Ma grand-mère est infectée en phase terminale, ça ne veut pas dire qu'elle va mourir»

Dès l’annonce de la fermeture des écoles, le 13 mars, le professeur de français Jean-Marc Cuenet a mobilisé les élèves de son cycle genevois pour garder une trace écrite de ce moment unique. Ainsi naît le «JVVEE», ou «Journal d’un vide à vivre ensemble… éloigné·e·s» Chaque semaine, ses élèves ont partagé des morceaux de vie, un travail pour la mémoire collective qui les érige en «héros du quotidien.» Voilà la suite de leur récits confinés.

Publié le 08 juin 2020 12:45. Modifié le 08 juin 2020 20:35.

«Mes parents sont divorcés et je vis une semaine chez l’un et une semaine chez l’autre. 
La semaine passée, mercredi, mon grand-père a appelé mon papa pour qu’il l’aide à aller chez le médecin car il n’allait vraiment pas bien, il pensait avoir des problèmes cardiaques. Ils sont donc partis tous les deux chez le médecin où ils ont dû attendre plusieurs heures avant d’être vus. Durant ce temps-là, par peur de la situation actuelle, ma maman a discuté avec mon papa pour qu’elle vienne me chercher chez lui pour me ramener chez elle. Donc depuis mercredi dernier, je vis le confinement chez ma maman. 
Jeudi matin, mon papa m’a téléphoné pour m’annoncer que les résultats du test Coronavirus de mon grand-père étaient positifs, malheureusement son état s’étant un peu aggravé, il a dû être hospitalisé aux soins intensifs.»

«Pendant la semaine, ma mère va travailler à l’hôpital et mon petit frère de dix ans va à l’école avec ma petite sœur de six ans. (…) Tous les jours il y a deux profs différents alors qu’ils ne sont que deux enfants !»

«On est passé de la musique Disney, au Hard Métal (faut dire que pour se concentrer quand on doit écrire une rédaction sur nos pensées, c'est pas la musique que j'aurais choisie). Mais bon, on tire toujours des leçons des expériences familiales: LES MURS NE SONT PAS INSONORISÉS!!!  Qu’on se le dise.»

«Je ne sais pas trop où en sont mes grands-parents du côté maternel mais je pense que s’ils allaient mal je le saurais. Du côté paternel, Je n’ai que ma grand-mère et elle est infectée et hospitalisée mais en phase terminale, ça ne veut pas dire qu'elle va mourir. Sinon ma sœur est aussi infectée donc sûrement que toute ma famille l'est moi y compris, même si j'avoue que je ne stresse pas particulièrement par rapport à ça. Au niveau du travail mon père comme ma mère travaillent chez nous dans leur métier respectif et moi et ma sœur étudions en ligne, mais j’apprécie de ne pas avoir à sortir de chez moi et ne plus vivre en société est plus agréable à mon avis.»

«Avec ma mère nous avons regardé une vidéo. Elle nous faisait bien rire: des livreurs de Décathlon ( magasin de Sport) ont apporté à des médecins des masques de plongée qui couvrent tout le visage. Ils disent que c'est très efficace et facile à nettoyer et protège entièrement le visage. Eh bien, mes parents et moi avons ces masque depuis des années. Pour une fois qu'ils sont utiles à autre chose que pour faire de la plongée! Attention si vous voyez quelqu'un avec un masque de plongée couvrant tout le visage soit c'est ma mère, soit c'est mon père, soit c'est moi!»

«Ma grand-mère vit dans une coopérative du coup elle a pas mal de voisin·e·s pour lui faire ses courses. Elle a organisé avec des bénévoles de sa coopérative un système d'entraide. Ils ont accroché des affiches dans leur quartier disant que les personnes qui ont besoin d'un service peuvent appeler ma grand-mère, qui fait la centrale téléphonique. Ensuite ma grand-mère transmet l'information aux bénévoles. Pour l'instant ils ont eu qu'une cliente et 35 bénévoles sont inscrit·e·s!! Mon grand-père a des gros problèmes cardio-vasculaires, il reste cloîtré chez lui et ne sort que pour promener son chien. Heureusement qu'il a des voisin·e·s pour lui faire ses courses!»

«Notre amie s’est réveillée samedi et est sortie des soins intensifs dimanche. Elle rentre aujourd’hui pour continuer sa convalescence à la maison pour libérer un lit.»

«Depuis 13 ans. 13 ans que j'ai attendu que mon père range son bureau. Mais revenons au commencement. Depuis toute petite j'ai vu le bureau de mon père en désordre. Un dossier par ici un tas de feuilles par là. Il y en avait même sur la table à manger. Il y avait de la poussière partout. Il a fallu qu'un petit virus envahisse tout le pays, que l’on reste en confinement pour que ma mère force mon père à ranger son bureau. Ce que je n'ai pas réussi en 13 ans, le virus l’a fait. Pour une fois je peux dire: Merci covid-19!!»

«Chez nous fêter Pâques confinés a été une première. D’habitude, nous allons faire une chasse aux œufs dans une commune qui en organise une. (…) Cette année nous en avons faite une dans notre jardin, surtout pour ma sœur qui a cinq ans. Mes parents les ont cachés et nous avons pris une heure à tous les trouver. C’était marrant tout en étant une occupation. Après, pour continuer à nous occuper nous en avons fait une pour notre chienne, mais pas avec des œufs au chocolat cette fois avec des croquettes ! Ce qui nous a étonné c’est qu’une fois qu’elle en avait trouvé trois, on aurait dit qu’elle avait compris le concept, car elle a continué toute la journée à en chercher ! Par ailleurs, elle n’avait pas le choix puisque son repas était quelque part là-bas caché derrière des feuilles!»

«Rendez-vous tous les soirs à 21h sur notre balcon. Ma mère sort toujours des maracas et félicite tous nos voisins (ils doivent sûrement nous prendre pour des folles avec nos maracas mais bon).Je penses vraiment que c’est le point que je préfère du confinement!»