Le confinement s’est réveillé
Par Harry Koumrouyan, auteur de deux romans, «Un si dangereux silence» et «L’impératrice des Indes».
Il dormait dans le dictionnaire, un peu oublié. Voilà que le confinement s’est réveillé en sursaut et, sorti de sa torpeur, a décidé que son heure était venue. Il a balayé large: au vestiaire les footeux, à la niche les vedettes de Cannes, dans les hangars les avions du monde entier. Il a fait fort, creusant des fossés entre ceux qui triment jour et nuit: les infirmières, les caissières, les nettoyeuses et ceux qui bossent de loin, chez eux, avec leurs mômes qui hurlent pendant la conférence téléphonique. Il a séparé ceux qui ont (des appartements confortables, des résidences secondaires, des livres, des films, des jouets, des comptes bien dotés) et ceux qui n’ont pas. Il a séparé les jeunes qui croient ne rien risquer et ceux à qui on martèle de rester-chez-eux-sinon-attention…
Curieuse expérience pour ceux qui ne travaillent pas: je me lève, un café, un journal, un message électronique et si je n’y prends garde, la journée file comme une pelote de laine qui se dévide et aboutit, défaite, sur le plancher quand la nuit tombe. Mauvaise, cette absence de repères, de rendez-vous, de routine. Donc le lendemain, j’essaie un autre scénario : je me lève, salle de bains, vêtements propres, listes de choses à faire, de gens à appeler, de tiroirs à ranger. J’ai construit un petit échafaudage, certes dérisoire, mais qui donne des virgules au temps, des espaces à franchir (même si je ne parviens pas à repousser les murs ni à sortir de chez moi).