Israël pour Ahmad: le rêve américain au bord de la Méditerranée
Ahmad, jeune Palestinien issu du camp de réfugiés de Jénine, a passé le mur et trouvé un travail dans un food-truck rutilant à Haïfa, au bord de la Méditerranée, il rêve de parcourir le monde pour aider les plus pauvres. Et il sait de quoi il parle.
C’était lors d’une soirée à Haïfa, deuxième ville d’Israël, réputée pour sa cohabitation judéo-arabe. Nous avons rencontré Maria, une serveuse arabe chrétienne surdiplômée qui rêve de quitter Israël pour ne pas «vivre au milieu des juifs». Dans un bar à clientèle arabe, j’ai récupéré le numéro d’un dealer de cannabis local – 80 shekels (20 francs suisses) le gramme.
Mais c’est une autre rencontre, au bord d’une route, qui nous a marqués – Lucien, le photojournaliste, et moi. Ahmad, jeune gaillard palestinien d’une vingtaine d’années, cuistot de food-truck et poseur Instagram à ses heures. Avec son sourire ravageur et l’air de vouloir avaler le monde, il cuit des steaks sous le néon rouge de son camion rétro. 80’s Burger, ça s’appelle.
- Une portion de frites, s’il te plaît.
Nous avons commandé en arabe, mais il s’obstine à nous répondre en anglais. Veut savoir si on a appris l’arabe au Maroc – question absurde, l’accent maghrébin se reconnaît à mille lieux et ce n’est pas le nôtre. Il parle arabe pourtant, à l’évidence. Pourquoi Ahmad, si flamboyant dans son camion rouge, rase-t-il les murs lorsqu’on lui parle sa langue?
Lorsqu’il découvre qu’on a appris la langue à Beyrouth, son visage s’éclaire. La méfiance se dénoue, la conversation aussi.