Dominique Barjolle, chercheuse engagée pour un terroir plus durable
Au menu de ce nouvel épisode de notre série consacrée à celles et ceux qui font bouger les lignes de l'alimentation, une agro-économiste qui a œuvré en sous-marin à la création de notre cher gruyère AOP, une vache, une tarte aux pommes et la défense de l'intérêt général. Bonne dégustation!
Entrée
Au troisième étage de l’Université de Lausanne, à l’Institut de géographie et durabilité (IGD), quelques pas de chercheurs et d’étudiants résonnent dans le couloir d’une centaine de mètres. Devant nous, des affiches d’exposition de peintures – avec montagnes, vache et citronniers – côtoient l’annonce d’un forum «origine, diversité et territoires» placardée sur une porte fermée. Nous ne la franchirons qu’une demi-heure plus tard, lorsqu’arrive Dominique Barjolle. Si son nom n’est guère connu, l’économiste agraire est une actrice majeure de la transition vers des systèmes agroalimentaires plus durables et de la labellisation des produits du terroir.
Tandis que deux doctorants quittent le bureau, notre regard se pose sur une énorme toile d’une vache étendue au milieu de nénuphars. Notre interlocutrice présente ses excuses dans un sourire – le premier d’une longue série. «Je suis dépassée par les événements aujourd’hui.» Le matin même, elle se soumettait à une leçon d’habilitation au titre de privat-docent sur les défis et leviers d’une transition agroécologique du système alimentaire suisse, suivie d’un entretien avec la commission de l’UNIL et sa directrice, énumère notre interlocutrice. Vu le sourire qui étire ses lèvres, on devine que celle qui dispense déjà des cours à l’ETH de Zurich pourra bientôt enseigner à Lausanne.
Plat principal
Derrière une tranquillité apparente et une voix calme se cache un bourreau du travail. Fin septembre, Dominique Barjolle était à Bari, en Italie, pour une conférence sur la diète méditerranéenne. Le 6 octobre, elle se rendait à Berne pour un nouveau projet de recherche. Le 11, à Fribourg, pour une table ronde sur la robotique dans l’agriculture. Le 19 octobre, ce sera Saignelégier (JU), à l’occasion du forum «origine, diversité et territoires». «Je travaille trop, c’est une maladie», pouffe notre interlocutrice. A son bureau, les mains baguées de vert – écho visuel au vert pin du chemisier et des iris – ne s’arrêtent jamais, triturent le badge accroché à la ceinture ou un sac à main – lui aussi de tonalité verte. «Mais après, je vais me reposer», promet-elle. Une trêve suisse est programmée. «Je ne suis pas du genre à partir en voyage quand je suis en vacances», s’amuse Dominique Barjolle. Le peu de temps libre à disposition est partagé entre les amis et la famille (un mari et trois enfants), au détour d’une balade en montagne ou d’une croisière lacustre avec «le p’tit bateau».
En trois décennies de recherche, Dominique Barjolle s’est autant intéressée à l’alimentation des femmes de faible statut socio-économique au Rwanda, qu’à l’appellation d’origine protégée (AOP) du gruyère et à la gestion des ressources pastorales en Albanie. Si ses recherches paraissent de prime abord abstraites, elles génèrent des répercussions bien concrètes. Vous voyez votre gruyère AOP? Avec ce label rouge et noir qui incarne une région, la fabrication traditionnelle du produit, et donc le savoir-faire des agriculteurs qui l’ont élaboré? Notre chercheuse y est pour quelque chose.