Toi aussi, voyage en jet comme Patrick Drahi
Le milliardaire émet souvent, en trois jours, autant de CO2 qu’un Français en dix ans. Et cela dans des jets privés qu’il achète puis se loue à lui-même pour les déduire de ses impôts, enregistrés dans un paradis fiscal pour éviter la TVA. Comme le reste de ses affaires, les déplacements carbonés de Patrick Drahi sont une mécanique bien huilée.
Quand Patrick Drahi s’installe dans son jet privé, il apprécie qu’on lui apporte un jus de carottes frais puis une brioche avec un café servi dans une tasse «I love NY» de couleur noire. Le milliardaire aime les œufs brouillés baveux, les mini kiwis et les menus préparés par ses restaurants et traiteurs préférés, La réserve à Genève, Mul Yam ou Tamam à Tel Aviv, Maison De La Truffe, Fauchon, Lenotre, Dalloyau, à Paris, le Four Season Hotel de Saint Kitts, Kitchen caterers et Trento’s à New York, Grande Arte catering à Lisbonne.
«M. Drahi est très simple mais il aime que les choses soient toujours faites d'une certaine manière», décrit une hôtesse dans sa «fiche passager» datée de 2017 destinée au personnel de bord qui accompagne le milliardaire. Patrick Drahi souhaite une température de 24 degrés, a ses marques d’oreiller, de champagne, (Dom Pérignon et Ruinart), de yaourt (La Fermière), regarde des thrillers et des films historiques en mangeant de bonbons haribos (ses favoris sont les fraises tagada), n’écoute que de la musique classique et aime avoir à disposition des journaux, Le Figaro, Les Echos, Le Point, Challenges, L'Obs, et ceux dont il est ou a été le propriétaire, Libération, L'Express, L'Expansion. Il lui arrive de voyager avec l’un de ses quatre enfants ainsi que son épouse, dont les goûts et la liste des produits de toilette sont également indiqués au personnel de bord - Patrick Drahi a pourtant déclaré au fisc suisse être séparé de sa femme (voir épisodes 1 et 2).
100 tonnes de CO2 en 22 heures
Les voyages en jet rythment la vie de Patrick Drahi à une cadence effrénée. L’ogre des télécoms est pressé, il a des deals à signer, des tableaux à acheter, des résidences à meubler, une fondation à gérer, des paradis fiscaux à visiter. Ce qui péjore son bilan CO2. Fin 2021, en trois jours, il va émettre autant de carbone qu’un Français moyen en dix ans, avec un vol entre l’aérodrome valaisan de Sion, en Suisse, et Tel-Aviv en passant par le Bourget, pour, le lendemain, rejoindre Saint-Kitts dans les Caraïbes, suivi de San Juan (Puerto Rico) et Saint Domingue avant de se poser à New York. Voilà pour ces 100 tonnes de CO2 en 22 heures de vol, du 26 au 28 décembre 2021, à bord de son Bombardier 7500, le même modèle que celui de Bernard Arnault.
Le répit est de courte durée. Le 5 janvier 2022, le voilà à nouveau dans les airs en direction de Saint-Kitts, avant un aller-retour en Floride pour retraverser l’Atlantique le 9 janvier en direction de Chypre puis Tel-Aviv. Les escales se comptent en heures, voire en minutes. Le lendemain, il enchaîne sur Hong Kong et Séoul. La semaine suivante, il se posera à Berlin, passera une journée à Paris avant de repartir à Saint-Kitts à 19 heures. Dans les documents issus d’une fuite informatique que Heidi.news a pu consulter, les destinations s’enchaînent en ce début janvier: Saint-Domingue, Kingstown, Houston, Easterwood, Lubock, Dallas, Houston à nouveau puis Saint-Kitts. 73 heures de vol, 139’000 litres de kérosène, 316 tonnes de CO2, soit les émissions moyennes d’un Français en 30 ans. La sobriété? Non, ce qui préoccupe Patrick Drahi, ce n’est pas le réchauffement climatique mais le coût de ses voyages facturés 8000 euros de l’heure soit 584’000 euros de frais rien qu’entre les 5 et 28 janvier 2022 et plus d’un million entre décembre et février 2022.
«Le reste est perso»
Lorsque sa secrétaire dans un email le 8 février 2022 lui demande comment facturer ses vols, Patrick Drahi lui répond: «St Kitts Fort Laudersdale, Fort Lauderdasle St Kitts et Berlin le Bourget sont pour Bombardier. A leur refacturer. Le vol st Kitts sto domingo Kingstown etc st Kitts est pour AtUs [Altice USA]. Le reste est perso.»
Sa maison d’enchères, Sotheby’s, se voit ainsi facturer 236’000 euros pour 23 heures de vol entre le 22 et le 1er mai 2022 (Tel-Aviv, Larnaca, Hong Kong, Séoul et retour). Altice USA prend en charge cinq jours Tel Aviv, New York, Lake Charles, pour 239’000 euros. Le 8 mai, Altice Portugal finance pour 52’000 euros l’aller-retour Sion - Lisbonne où règne un certain mécontentement: Patrick Drahi vient de refuser une modeste augmentation de salaire à ses employés portugais.
Cet article est réservé aux abonnés.
Déjà abonné(e) ? Se connecter