Comment le boom des cryptos réveille la Suisse romande

Illustration: Kylian Marcos pour Heidi.news
Illustration: Kylian Marcos pour Heidi.news

L’univers de la crypto sera-t-il pour la Suisse ce qu’a été pendant plusieurs décennies le secret bancaire: une poule aux œufs d’or? Un entrepreneur du secteur me confiait récemment que sa société engageait en moyenne deux personnes par semaine. Une autre société, basée dans le canton de Vaud, a doublé ses effectifs en six mois, soit plus de 40 embauches, dont sept en Suisse.

Et ça continue. Bien que les cryptomonnaies traversent une période agitée, marquée par le krach du stablecoin TerraUSD (UST), les entreprises romandes avec qui Heidi.news s’est entretenu ces dernières semaines ne révisent pas leurs ambitions à la baisse. C’est pourquoi nous avons voulu en dresser une carte.

La Suisse romande aurait pu se reposer sur ses valeurs sûres et traditionnelles: l’horlogerie, la banque, l’ingénierie ou le tourisme. De plus, le canton de Zoug semblait avoir pris une longueur d’avance. Et pourtant, c’est à une véritable effervescence que l’on assiste autour du Léman et du lac de Neuchâtel.

Une confiance sur le long terme

La plupart des cryptomonnaies, Bitcoin en tête, ont perdu beaucoup de valeur ces derniers mois. Le secteur est en plein bear market (tendance à la baisse), et nul ne sait combien de temps cela va durer. De nombreux projets auront de la peine à lever des fonds – et certains d’entre eux ne survivront pas.

Un mal pour un bien, selon de nombreux acteurs. Cette phase de restructuration n’est pas un phénomène nouveau. L’année 2017, celle de tous les superlatifs avec la popularisation des levées de fonds via des jetons (initial coin offering, ICO), avait atteint des records, avant de voir le marché s’effondrer. A cette époque, certains prédisaient la fin de Bitcoin qui, disaient-ils, ne reposait sur rien.

Le cours de la principale cryptomonnaie connaît en effet de fortes variations et l’avenir est incertain.

Mais pas de panique: tous ceux qui croient au Bitcoin sont convaincus qu’il reprendra des couleurs en 2024. Pourquoi? Parce que cette année-là se produira un nouveau halving. Soit une division par deux, programmée tous les quatre ans, de la prime allouée aux mineurs, ces chevilles ouvrières de la cryptomonnaie. Depuis 2009, chaque halving s’est accompagné d’une explosion de la valeur du Bitcoin.

Les barres bleues représentent les «halving». A chaque fois, la valeur de Bitcoin s'est envolée. / Graphique: Frédéric Jollien

Une Suisse romande en pleine ébullition

Bien entendu, Bitcoin n’est plus aujourd’hui la seule cryptomonnaie. Il en existe des milliers. Toutes avec leurs spécificités, et surtout leurs promesses de faire mieux, ou différemment. A cela s’ajoutent de nouvelles utilisations, rendues possibles par la blockchain: finance décentralisée (DeFi) ou jetons non fongibles (NFT). De nombreuses entreprises se lancent dans cet univers en ébullition. En Suisse romande, le dynamisme de cet écosystème est surtout perceptible à Neuchâtel (leader du domaine), Vaud et Genève.

Ce qui caractérise cet univers est la diversité de ses propositions. Il y a bien entendu les intermédiaires financiers, incontournables, mais pas seulement. Il y a des projets de cryptomonnaies alternatives, comme Alephium, de traçabilité et d’authentification des objets de luxe sur le marché secondaire avec Origyn, ou encore de préservation de l’anonymat en ligne avec Nym.

Et même parmi les intermédiaires financiers, les modèles d’affaires sont variés. Certains proposent des plateformes d’échange, avec des services de conservation des actifs numériques, d’autres sont spécialisés dans les prêts sur gage, certains développent des solutions d’intégration pour les banques, ou se spécialisent dans la tokénisation (l’émission de jetons). La plupart sont des sociétés entièrement orientées sur les actifs numériques, mais d’autres, installées de longue date dans la finance traditionnelle, comme Swissquote, ont pris le train en marche.

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Heidi.news se propose de brosser le portrait de ce riche écosystème en dressant la liste de ses dix principaux acteurs en Suisse romande. Il ne s’agit pas d’un classement: nos choix comportent une part de subjectivité. En plongeant au cœur des modèles d’affaires de ces dix entreprises, on réalise à quel point ce secteur croît et ne manque ni d’idées, ni d’ambitions.

De l’ombre à la lumière

Les cantons romands l’ont compris et font désormais part de leur intérêt de façon plus marquée. En avril, les autorités ont organisé un événement de promotion économique à l’ambassade de Suisse à Paris pour renseigner les acteurs français sur les conditions cadres de notre pays. Objectif: inciter des relocalisations.

Si le secteur a longtemps été marginalisé et sujet à controverses, il semble aujourd’hui acquis qu’il va continuer à se développer. Le 24 juin 2022, deux conseillers d’Etat neuchâtelois participeront officiellement à un événement intitulé «Le paradigme Bitcoin». La Ville de Neuchâtel accueillera le même jour le Repas du Coin, un événement organisé par l’association Le Cercle du Coin, qui permet à des acteurs cryptos de se rencontrer et d’échanger sur les cryptomonnaies.

Bien sûr, des questions subsistent, notamment au sujet de la régulation des activités des cryptos, en Europe ou en Suisse.

Malgré des vents contraires, le secteur continue de s’étendre en Suisse romande, avec comme maître-mot l’innovation.

Notre sélection 2022 des acteurs de la crypto en Suisse romande: