Le Covid a un goût d'enfer pour le Paradiso d'Amsterdam
Notre tour d'Europe des clubs commence aux Pays-Bas. Au mythique Paradiso d'Amsterdam, qui devra peut-être bien repenser son modèle pour ne pas subir le même sort que d'autres lieux nocturnes.
Le Paradiso est une institution du monde de la nuit hollandaise. Bowie, les Stones ou encore Nirvana s’y sont produits sur la grande scène aujourd’hui désespérément vide, tout comme le sont les principaux espaces de ce club ouvert en 1968, sur les bords du Singelgracht, à quelques pas du Rijksmuseum.
A l’origine, cette salle de concert était une église, avant d’être investie par la génération hippie festive. De sa vocation initiale, le bâtiment garde encore de belles baies vitrées et des balconnets surplombant une pièce centrale pouvant accueillir, en temps normal, jusqu’à 1500 personnes. Le lieu sert aussi d’incubateur aux artistes locaux, qui viennent y enregistrer leurs albums et y organisent des live streams.
Aujourd’hui, pour assurer un fonds de roulement, de petits espaces satellites situés aux quatre coins de la ville assurent le relais et programment des concerts assis devant un parterre maximal de 250 personnes. Une solution alternative trouvée en urgence, le 10 juillet, après seulement deux semaines d’ouverture.
Jurry Oortwijn, en charge du marketing du Paradiso, raconte: «Pendant ce laps de temps, nous avons eu 8000 visiteurs et nous en avons refoulé 1000. Les participants devaient passer des tests de dépistage pour entrer et nous contrôlions tout le monde. Nous n’avons ainsi eu que 13 contaminations avérées dans nos soirées. Nous étions tellement heureux de reprendre après un an et demi de live streams.»
Mais ce n’était qu’une embellie d’une quinzaine de jours avant une nouvelle fermeture. Que Jurry Oortwijn, fâché, attribue au «fait que beaucoup d’autres clubs de la ville ont laissé entrer des personnes en douce. Ils ont gâché la fête pour tout le monde».
Il faut néanmoins dire que le défi du contrôle relevait de l’impossible, reconnaît le promoteur: «Lors de la soirée d’ouverture, nous avons dû refouler 400 personnes. Beaucoup de gens ne recevaient pas leurs résultats des tests à temps. Un hic que certains confrères du monde de la nuit attribuent à un piratage, une volonté malveillante de limiter les personnes ayant accès aux évènements. Personnellement, je pense que les autorités ont juste été dépassées par le nombre de demandes.»
Subventions élevées, mais insuffisantes
Pour venir en aide à la scène culturelle, le gouvernement néerlandais verse depuis 16 mois 80% des recettes pré-pandémie aux patrons des clubs. Une subvention qui ne suffit toutefois pas à sauver tous les meubles. En particulier ceux des établissements déjà à la peine avant la crise.
«Tous les clubs commerciaux sont en train de couler. Au Paradiso, nous allons survivre parce que nous sommes une institution culturelle historique subventionnée par l’Etat. Pour 2021, nous avons reçu 2 millions d’euros. Cela ne nous empêchera pas d’enregistrer une perte de plusieurs centaines de milliers d’euros à la fin de l’année. Mais pour la majorité de nos concurrents, c’est pire», détaille Jurry Oortwijn.
La sauvegarde de l’établissement ne garantit toutefois pas le maintien des emplois. Rien qu’au Paradiso, quelques 80 postes ont sauté en raison de la crise. «Les autorités nous ont dit de réduire nos coûts au maximum. Nous avons donc dû licencier du monde. Il y a toujours 160 personnes qui travaillent chez nous et nous tenons à ce que cela dure.»
Open airs au programme
Dans la ville, d’autres organisateurs se rabattent sur les festivals open air qui auront toujours lieu normalement, à l’instar du Solar Weekend ou du Loveland Festival, des immenses fêtes de musique électronique qui ambitionnent d’accueillir des milliers de personnes. En espace fermé, en revanche, la fête n’est pas à l’ordre du jour, regrette Jurry Oortwijn.
«Nous n’avons aucune idée de quand ou de si les affaires reprendront normalement. Nous avons établi un programme fourni des évènements de septembre à février, mais nous ne savons pas s’ils auront lieu. Si nous devons encore repousser des soirées sans savoir quand ou si elles auront lieu un jour, nous serons obligés de chercher d’autres usages de notre espace, afin d’avoir un business model pérenne. Cela dit, nous restons optimistes pour l’heure. Nous allons survivre. Il faut le marteler.»