Eoliennes: à Sainte-Croix, le long supplice des pales
Dans sa stratégie 2050, la Confédération mise sur l’éolien pour combler les pénuries d’électricité en hiver. Nos voisins allemands et autrichiens comptent déjà des milliers d’hélices, couvrant 11% à 20% de leur demande. Mais en Suisse, 41 éoliennes se battent en duel, produisant l’équivalent de 0,2% de la consommation totale. Comment expliquer un tel retard? Elément de réponse à Sainte-Croix, dans les crêtes du Jura vaudois.
La première fois que je suis allée à Sainte-Croix, je n’y suis jamais arrivée. Les pneus plantés dans la neige, le GPS m’avait menée sur la route fermée du Col de l’Aiguillon, à seulement deux kilomètres de ma destination. «La neige fond, il faudra attendre le regel du soir pour dégager le véhicule», avait constaté un agriculteur du coin. Soupir. J’avais prévu de me rendre au chantier du premier parc éolien sur sol vaudois, dont les oppositions des résidents enflamment le débat depuis vingt-quatre ans.
Le 21 avril 2021, le Tribunal fédéral a tranché, accordant son feu vert au démarrage des travaux. David contre Goliath? «Tu ne vas quand même pas en faire une affaire de colonialisme vert, ce ne sont pas des Samis!», m’avait-on lancé en salle de rédaction. «Je veux simplement voir ce qu’il s’y trame», avais-je argumenté. Deux semaines plus tard, les derniers névés ont fondu sur l’alpage de la Gittaz-du-Dessus et du Mont-des-Cerfs et découvrent de grands trous béants, entre des sapins centenaires et des logis épars. Bientôt, six éoliennes, de la taille du jet d’eau de Genève, s’implanteront dans le décor. De quoi alimenter 6100 ménages avec 22 GWh d’électricité par an, soit l’équivalent de la consommation de la commune de Sainte-Croix.