Nous les architectes sommes dos au mur (de béton)
Nous arrivons à la fin de cette Exploration; il est temps de troquer la casquette de journaliste que j’ai coiffée avec plaisir pour la première fois avec cette enquête pour celle de l’architecte que je suis depuis 20 ans. Si vous m’avez suivie jusqu’ici, peut-être vous posez-vous la question comme moi: peut-on encore faire quelque chose ou est-ce déjà trop tard? Mon avis: la balle est dans notre camp, nous les architectes et les ingénieurs!
En ce début de troisième millénaire, nous nous réveillons avec une terrible gueule de bois: l'anthropocène a bel et bien commencé, la sixième extinction de masse est en marche et la surexploitation du sable engendre des dégâts écologiques irréversibles. Le rapport de Météo France publié début février 2021 donne le vertige: profitons de ce dernier instant de fraîcheur car il confirme une accélération sans précédent du réchauffement, de 4 à 6 degrés d’ici 2070.
Selon les recherches du chimiste Will Steffen, à l’origine avec Paul Crutzen du concept d’anthropocène, les conséquences de cette surchauffe pourraient être irréversibles. La terre deviendrait une véritable serre, une “hot house” où il ne ferait plus bon vivre. Nous avons moins de trente ans pour agir. Bill Gates y consacre son dernier livre: Climat: Comment éviter un désastre (Flammarion, février 2021). Que l’on partage ou pas la liste des solutions proposées par Bill Gates, nous devons atteindre d’ici 2050 la neutralité carbone, c'est-à-dire l’équilibre entre les émissions de carbone et l'absorption de celles-ci de l'atmosphère par le sol, les forêts et les océans.
Le bâtiment représente à lui seul 40% des émanations de CO2 de l’humanité, entre ses matériaux, la construction, le chauffage, la climatisation et l’entretien. Nous, architectes, ingénieurs et tous les acteurs du bâtiment, pouvons agir sur presque la moitié du problème du réchauffement climatique. La bonne nouvelle, c’est que selon Guillaume Habert, de l’école polytechnique de Zurich, on peut agir ici et maintenant (voici une de ses conférences de 1h37 qu’il a donné à mes étudiants de la formation Post-Carbone à Paris) avec des solutions techniques simples, qui pour la plupart existent depuis des siècles. Tentons d’énumérer ces solutions.