«L'expertise vise à raconter une histoire qui résiste au doute»
De 2012 à 2017, le sociologue Romain Juston Morival a accompagné plus d’une cinquantaine de médecins légistes en salle d’autopsie. Sa thèse, publiée en 2020, décrit les liens entre blouses blanches et robes noires.
Sophie Tardy-Joubert – Les batailles médicales entre experts sont-elles fréquentes dans les tribunaux?
Romain Juston Morival – Dans le système pénal français, l’expert est nommé par le juge. Il est considéré comme objectif et indépendant. Par conséquent, sa parole est peu remise en cause. Il y a néanmoins des exceptions, comme le montre l’affaire Adama Traoré, jeune homme de 24 ans mort d’un syndrome d’asphyxie en juillet 2016. Il avait été interpellé alors qu’il tentait de fuir un contrôle de gendarmerie, et avait subi un plaquage ventral. Selon l’expertise médico-légale, le jeune homme était décédé à cause d’une pathologie dont il était porteur. La famille avait sollicité, hors procédure, un avis médical extérieur. Des spécialistes des maladies cardiaques ont contredit les médecins légistes. Ils n’avaient pas le statut de praticiens objectifs, mais tiraient une légitimité scientifique de l’exercice quotidien de leur spécialité.