J'ai voulu essayer le traitement du futur, je me suis retrouvée dans un container post-soviétique
A quoi s’attendre lorsque l’on se rend en Géorgie pour recourir à une phagothérapie, cette alternative aux antibiotiques? Quel coût et quelle durée escompter? Dans ce troisième épisode de son enquête, notre journaliste pousse avec son père hypocondriaque la porte de l’Institut George Eliava à Tbilissi.
Nous avons passé notre première nuit d’insomnie à l’Hôtel Ameri Plaza, une tour sans charme qui donne sur une des artères périphériques de Tbilissi. C’est ici que la plupart des patients internationaux viennent s’installer en espérant se sauver de l’impasse thérapeutique. Ils arrivent parfois en chaise roulante ou sur des lits médicalisés. Ils passent une dizaine de jours en moyenne sur place, faisant des allers-retours avec l’Institut Eliava qui se trouve à 750 m de là.
Après un petit déjeuner composé de cornichons et de divers fromages plus doux que le Gruyère, nous nous mîmes en route pour l’Institut. Sous la pluie, mon père se réfugia dans un silence que j’interprétai immédiatement comme les prémisses d’un état anxieux. Souhaitant éviter une contamination d’humeur, je me mis à parler de plus en plus vite. J’épiloguai sur le thé froid de la Migros, sur les nouvelles lunettes de Darius Rochebin et sur Christine Lagarde qui, pour une raison qui m’échappe encore, m’irrite au plus haut point. Mon père finit par m’interrompre pour m’annoncer qu’il n’avait aucune intention de se faire traiter, ni même ausculter par des médecins géorgiens. Je lui rappelai qu’il avait rendez-vous avec le Dr. Levan Pipia à 9h, c’est-à-dire dans 10 minutes. «On verra», me dit-il. «Si je suis là c’est surtout pour te surveiller. Pour que tu ne fasses pas n’importe quoi.»