Et l'Ukraine fut envahie
Le plus dur est fait, me disais-je, dans ma quête de Vladika Iakov, l’évêque du pôle Nord, émissaire spirituel de Vladimir Poutine sur les glaces septentrionales. Je faisais complètement fausse route car, le 24 février, la Russie lançait l’assaut sur l’Ukraine. Et cela a malheureusement tout changé pour moi.
J’ai écrit plusieurs mails à Vladika, à son adresse «orthodox-arktika». Il me répondait, parfois, par une bénédiction ou en souhaitant que nous puissions nous voir à Narian-Mar. Puis j’ai demandé de l'aide à Andreï (nom fictif), un collègue et ami de Moscou qui m'a accompagné plusieurs fois dans l'Arctique russe. Une personne capable de résoudre des situations très compliquées et qui connaît bien les mécanismes paranoïaques du pouvoir poutinien. Andreï a réussi à se mettre d'accord avec le Père Iakov. Tous deux ont échafaudé un plan pour que je le rejoigne la première semaine de mars 2022, semaine qui coïncide avec la Maslenitsa, qui désigne les jours précédant le carême orthodoxe et est également connus sous le nom de fête du gras, de jours du beurre ou des crêpes.
Mais je me réjouissais moins des blinis que du contexte, traditionnel et religieux, dans lequel j'allais pouvoir côtoyer Vladika. A Narian-Mar, dans sa grande église en bois, au bord du majestueux fleuve Petchora encore gelé, là où il se jette dans la mer de Barents. J'ai imaginé l'accompagner en hélicoptère dans un village d’éleveurs de rennes nénètses, ou visiter les nouvelles installations pétrolières de Lukoil, qu’il a bénies et dont il m'avait parlé. Nous sommes à la fin du mois de janvier et la Russie a déjà rassemblé 130’000 soldats près de la frontière ukrainienne.