Cette peur des représailles, dans une petite République où tout le monde se connaît, a considérablement ralenti la révélation de la vérité et sans doute prolongé les souffrances de certains enfants. La suite de notre enquête montre qu’en mars 2021 a eu lieu un empoisonnement suspect à Mancy: une dose de cheval d’anxiolytiques a été administrée à jeune fille de 13 ans, qui aurait pu y laisser la vie.
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«L’effet boite noire», c’est ainsi que s’explique la dérive de Mancy pour le député socialiste Cyril Mizrahi. Sauf que cette «boîte noire» ne concerne pas que ce foyer, mais bien tout le département de l’instruction publique (DIP) dont il dépend. Aucun des 10’000 employés du DIP n’a le droit de parler à un journaliste sans en référer à sa hiérarchie. Et la réponse du service de communication, même pour des sujets bien plus banals que le foyer de Mancy, est souvent négative. «Nous ne jugeons pas souhaitable que vous parliez à telle personne», nous dit-on.
Lanceuses d’alerte écartées
Ces pratiques de silence et de secret sont aggravées par un autre travers genevois: faire sauter les fusibles. Le personnel accusé de maltraitance, voire de violences envers les enfants, est toujours employé par le DIP. Mais la directrice du foyer, arrivée en novembre 2020 après la plupart des cas graves, a été licenciée à la rentrée 2021 sur insistance des syndicats. Selon les documents consultés par Le Temps et Heidi.news, elle a pourtant aidé à rassembler des informations sur les préjudices subis par les enfants et tenté de faire évoluer la situation. La directrice de l’office médico-pédagogique, elle, a été écartée en décembre 2021 après avoir documenté, au début de l’année, les dérives de treize employés, onze femmes et deux hommes.
Faire sauter les cadres avant les résultats d’une enquête approfondie est aussi une manière de faire régner le silence. Cela montre que personne n’est intouchable et que le mieux est toujours de se taire.