Pénurie d'enseignants? «Il faut éviter une présentation un peu victimaire du métier»
Faut-il craindre une pénurie d'enseignants en Suisse? Alors que les syndicats alertent, Maxime Zuber, recteur de la HEP des cantons de Berne, du Jura et de Neuchâtel, tempère et appelle surtout à présenter le métier sous un meilleur jour.
Faudra-t-il un jour remplacer les cours de maths ou d’allemand par des tutoriels internet? Les problèmes de recrutement de professeurs se font déjà sentir en Suisse alémanique et les syndicat tirent la sonnette d’alarme, tandis qu’un récent rapport de l’OFS fait état d’une tendance préoccupante sur le long terme.
Maxime Zuber, recteur de la Haute école pédagogique des cantons de Berne, du Jura et de Neuchâtel et vice-président de la Chambre de Swissuniversities (la Conférence des recteurs des hautes écoles suisses) et a lui-même enseigné pendant de nombreuses années. Nous lui avons demandé s’il y avait lieu de s’inquiéter d’une désaffection pour le métier.
Les chiffres récents de l’OFS (voir ci-dessous) montrent qu’avec les départs à la retraite et le nombre croissant d’élèves, il pourrait y avoir un décalage entre l’offre d’enseignants et la demande. Craignez-vous une pénurie d’enseignants dans les années à venir?
Maxime Zuber - L’OFS prédit que l’offre annuelle en nouveaux enseignants devrait se rapprocher du besoin, avec cependant des situations très différentes entre les régions. Je crains cependant, si ce n’est une pénurie, des difficultés ponctuelles à recruter, particulièrement au degré secondaire pour certaines disciplines comme les maths ou l’allemand, y compris dans notre région de Berne-Jura-Neuchâtel.
Mais j’aimerais rappeler que le taux de persévérance est conséquent dans ce métier puisqu’il est désormais établi que plus de 90% des diplômés exercent encore après cinq ans. Ce chiffre fait un sort à certaines allégations selon lesquels plus de 1 enseignant sur 5 quitterait le métier les premières années.
Le manque d’enseignants en chiffres
Les enseignants pourraient venir à manquer en Suisse, souligne l’Office fédéral des statistiques (OFS) dans un rapport publié en octobre 2022 et intitulé «Scénarios 2022–2031 pour les enseignants de l’école obligatoire». Ce sont entre 43’000 et 47’000 nouveaux enseignants du degré primaire qui devraient être recrutés entre 2022 et 2031, alors que le nombre de titres d’enseignants délivrés pour le primaire est estimé à environ 34’000. Il manquerait donc environ 10’000 enseignants sur les dix prochaines années.
Comment expliquez-vous qu’une pénurie d’enseignants puisse guetter?
Le métier est à 80% féminin et les femmes exercent beaucoup plus à temps partiel que les hommes en Suisse. Ce n’est pas une critique, mais cela signifie que les temps partiels sont particulièrement fréquents dans cette profession et qu’il faut donc employer davantage de personnes. Augmenter les taux d’occupation résoudrait donc théoriquement le problème de manque de personnel en Suisse.
Lire aussi: «Sans vision à long terme, la pénurie d'enseignants concernera aussi la Suisse romande»
Cet article est réservé aux abonnés.
Déjà abonné(e) ? Se connecter