A cette fin, de nombreuses enquêtes ont été diligentées, procédures pénales, audit administratif et enquête de la Commission de contrôle de gestion du Grand Conseil. Une question centrale demeure, elle est de savoir quelles informations avaient été remises et depuis quand à la cheffe du DIP, la conseillère d’Etat Anne Emery-Torracinta.
Elle affirme avoir été avertie des maltraitances par un rapport de la direction de l’OMP uniquement en date du 29 mars 2021. Si tel est le cas, cet élément amène deux autres questions: qu’a-t-elle fait depuis? Mais aussi comment le DIP est-il géré et singulièrement comment ce département surveille-t-il les différentes institutions dont il a la charge? En d’autres termes, comment est-il possible que des actes d’une telle gravité ne soient pas remontés plus rapidement du foyer de Mancy à l’OMP, de l’OMP à la direction du DIP puis à la conseillère d’Etat?
Un DIP totalement défaillant. A ces questions la conseillère d’Etat admettait benoîtement son ignorance: «J’essaie aujourd’hui de comprendre pourquoi rien ne m’est remonté plus tôt. Je n’ai pas de réponse à cette question à cette heure» (Heidi.news et Le Temps, le 28.01.2022). Or, l’enquête de ces deux médias révèle un DIP totalement défaillant à la fois dans sa gouvernance et dans la supervision de ce projet.
L’OMP a choisi des bâtiments vétustes qui, dès le départ, ne sont pas adaptés à la patientèle. Le directeur recruté n’a pas les compétences pour la prise en charge de l’autisme, comme le reconnaît d’ailleurs le DIP, et dont l’incapacité doit être compensée par des formations qui n’ont pour finir jamais été dispensées. Toujours selon Heidi.news et Le Temps, le DIP concède que, dès l’été 2018, l’équipe et le directeur ont été «dépassés». Apparaissent de surcroît un manque de supervision et de ressources, un fonctionnement en vase clos, un encadrement trop faible et ceci sans projet défini.
Au vu de ces éléments, les plus hautes sphères du département sont en cause pour leur gestion (ou non gestion) et, en tout premier lieu, la conseillère d’Etat. Cette affaire est malheureusement le terrible résultat de neuf années de gouvernance sans direction ni objectifs clairs, durant lesquelles la conseillère d’Etat a limité son action à quelques sujets (l’école primaire et le cycle d’orientation), se désintéressant des autres thématiques centrales du DIP. Il en ressort aussi que les équipes de directions administratives – qui ont augmenté massivement durant ses deux mandats – ont agi sans directives précises et sans supervision.
Intervenant avec ses subordonnés de façon erratique, n’hésitant pas à les utiliser comme des fusibles, Mme Emery-Torracinta a, au sein des directions du DIP, installé un climat de défiance souvent électrique et de nature à entraver une collaboration à même de faire remonter du terrain et des institutions autonomes les problématiques identifiées.
Protection de fonctionnaires défaillants. Les clans et coteries, permettant aussi la protection de fonctionnaires défaillants, ont certainement également contribué à cacher trop longtemps l’inacceptable. Les conditions n’étaient ainsi pas réunies pour que les dérives admises au foyer de Mancy, les carences de sa direction ainsi que de celle de l’OMP puissent être identifiées et traitées par le DIP. Au-delà de la question de savoir quand la conseillère d’Etat a appris les faits, il convient de conclure – après deux mandats – que la cheffe du DIP, par sa mauvaise gestion, est directement responsable de l’incapacité de ses services à faire remonter les informations nécessaires pour que la situation soit corrigée.
C’est pourtant ce que nous sommes en droit d’attendre d’un conseiller d’Etat. Alors, Mme Emery-Torracinta, à la question que vous vous posiez le 28 janvier, vous auriez dû répondre: «C’est par ma faute», et accepter votre responsabilité personnelle et politique dans cette terrible affaire.