Quelles sont à votre avis les forces actuelles de l’Unige?
D’abord, la gouvernance, qui est très participative. Ensuite, l’Université est très forte et reconnue pour la recherche, avec une belle infrastructure dans tous les domaines, y compris le spatial. Mais sa plus grande force reste sa communauté, la qualité des gens qui sont présents dans cette université ainsi que son positionnement à Genève dans un environnement international, avec beaucoup d’instances multilatérales.
Que peut-on améliorer?
On peut tirer encore davantage profit de cela, mais on peut aussi simplifier les processus administratifs, comme dans beaucoup d’autres organisations, pour se concentrer sur les processus qui ont une valeur ajoutée. Il y a certainement moyen de réduire certains actes administratifs pour se servir du numérique pour humaniser les relations. Pour moi, le numérique peut libérer du temps, autant pour les professeurs, les chercheurs et les employés.
Avez-vous des liens avec Genève, et le reste de la Suisse?
Avec la Suisse, oui, j’ai eu l’occasion de travailler avec l’Université de Lausanne, dans le domaine du développement durable, et avec l’EPFL au sein d’une unité de recherche internationale pour la création d’une chaire d’excellence dans le domaine des neurosciences. J’ai ces expériences avec Lausanne mais pas directement avec l’Université de Genève.
Et Genève, la ville?
J’ai beaucoup lu et appris au cours des derniers mois. Je découvre cette ville et sa culture. J’y ai passé un peu de temps pour rencontrer les gens. J’y ai trouvé des ressemblances, des affinités par rapport au Québec, en termes de structure politique fédérale, par exemple. Mais il y a évidemment des caractéristiques de terrain que je vais devoir apprendre. J’ai quand même travaillé dans plusieurs pays et je sais l’importance de s’imprégner du local.
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Est-ce que vous parlez allemand?
Non, mais je vais l’apprendre! J’ai eu des cours au lycée et quand j’ai fait ma maîtrise, il y a longtemps, l’article qui a inspiré mon travail avait été écrit par un Suisse, le Dr Benz, et il était en allemand. C’était sur la tordeuse grise du mélèze, Tortricidae, un ravageur des forêts suisses.
Les auditions avec les représentants de l’Unige, c’était en présence ou en visioconférence?
La première en visio, et la dernière en présentiel, début décembre, au moment de la fascinante Course de l’Escalade. A cette occasion, je suis resté un peu plus d’une semaine, pour m’imprégner un peu et j’ai eu des échanges avec un certain nombre d’acteurs de l’Université. C’était vraiment très enrichissant.
Vous vous êtes présenté deux fois comme recteur à Laval, mais c’est Sophie d’Amours qui est passée. A quoi attribuez vous cet échec?
La première fois, en 2017, c’était extrêmement serré, avec deux votes de différence. J’ai sans doute souffert d’avoir été associé à Denis Brière, recteur de l’Université de Laval de 2007 à 2017 et qui avait dû gérer une période d’austérité. Cela ne l’avait pas rendu très populaire. Sophie d’Amours était une collègue à moi, membre de la direction, mais elle a quitté le bateau pendant la période de difficulté économique alors que je suis resté, car je suis quelqu’un de fidèle envers l’Université. Cela lui a permis de préparer une campagne rectorale alors que pour ma part, je gérais l’institution. Et la deuxième fois, c’était un renouvellement. Des collègues m’ont demandé de me présenter, je savais que j’avais peu de chance car la tendance est souvent à la reconduction, mais cela m’a tout de même donné l’occasion de présenter un projet.
Un écho qui nous est parvenu du Québec vous décrivait comme plus centralisateur, plus autoritaire qu’elle. Qu’en dites-vous?
C’est absolument faux! Je suis partisan d’une gestion collaborative. Je suis scientifique et habitué au travail en collégialité. Je ne suis pas centralisateur et encore moins autoritaire.
Votre spécialité, c’est l’entomologie forestière…
Je suis écophysiologiste, c’est une branche de la biologie. Avec notamment beaucoup d’application en génétique. Les Anglo-saxons appellent cela l’écologie alimentaire.
Est-ce une discipline qui permet appréhender la science en général?
On ne connaît jamais tout en sciences. Mais j’ai publié de nombreux articles scientifiques dans des journaux internationaux, j’ai organisé des symposiums mondiaux dans le domaine de l’entomologie, j’ai été éditeur invité de journaux scientifiques britanniques. Cela donne une vision assez large de la science.
Vous avez sans doute entendu parler de la dernière polémique, la tentative d’entartage d’une politicienne. Il a été reproché à l’Unige de ne pas avoir déposé plainte tout de suite. Vous l’auriez fait illico?
De façon générale, on a le droit de ne pas être d’accord, on a le droit de manifester, mais cela doit se faire dans le respect des valeurs institutionnelles et des valeurs humaines.
Pour vous, l’entartage n’est pas un droit étudiant?
C’est de la violence. Ce n’est le droit de personne. Personne ne devrait recevoir de tarte en plein visage. C’est une agression, un acte de violence. Ce n’est pas acceptable. Quelle est la mesure à prendre? Une voie disciplinaire? Une voie pénale? Je n’ai pas tous les détails du dossier et je n’ai pas présentement la légitimité pour me prononcer.
Sur échelle de 1 à 10, de «woke» à «pas woke», vous vous situez où?
(Rires). Je suis un partisan convaincu du développement durable, je n’ai pas envie de me situer sur une échelle, je n’aime pas profiler les gens. C’est une terminologie que je ne trouve pas pertinente. On doit tous se respecter, et respecter les droits, les valeurs et les libertés. Si on se concentrait davantage sur la charte des droits de l’homme de l’ONU, on ne se retrouverait pas à se stigmatiser avec toutes sortes de termes…
Et si le Conseil d’Etat refuse votre nomination?
Je respecterai le processus démocratique. Je suis déjà très honoré par la confiance que m’accordent cette grande université et cette communauté exceptionnelle de l’Université de Genève. J’espère pouvoir en faire partie et que nous fassions un bout de chemin ensemble sur la voie de la transition écologique.