Le taux de maturités total a bel et bien «explosé» au cours des 25 dernières années et s'élève aujourd'hui à plus de 45%. Mais cette croissance est presque entièrement due à l'introduction de la maturité professionnelle et, dans une moindre mesure, à celle des maturités spécialisées.
D’aucuns verront l’arrivée de la maturité professionnelle comme un pas de plus vers l’académisation de la formation. Mais il faudrait plutôt souligner que sans la possibilité de rejoindre une formation tertiaire (haute école ou formation professionnelle supérieure) après un apprentissage, ce dernier aurait perdu du terrain.
Il convient aussi de rappeler que la formation professionnelle supérieure permet d'obtenir des diplômes dans le degré tertiaire même sans maturité. Il en résulte que la Suisse est probablement le seul pays de l'OCDE à s'être hissé dans le peloton de tête en matière de diplômes tertiaires sans avoir dû pour autant augmenter notablement le taux de maturités gymnasiales.
La tertiarisation du marché du travail suisse ne doit donc pas être assimilée à une académisation du système de formation.
Il est vrai que l'infirmier ou l'informaticienne qui effectue une formation dans une haute école spécialisée ou une école supérieure manque à son poste de travail. Peut-on en conclure que la politique a échoué en développant des offres de formations tertiaires? Pas du tout, car contrairement aux diplômés des filières générales, les titulaires d'une maturité professionnelle disposent d'un diplôme qui leur garantit un revenu économique pour lequel des études ne sont pas forcément nécessaires.
Et si toujours plus de jeunes choisissent de se former davantage, c'est qu'il doit y avoir de bonnes raisons, notamment économiques. Ils réagissent aux signaux d’un marché du travail qui demande clairement un niveau de formation plus élevé. Dans la plupart des métiers, les tâches intellectuelles qui ne relèvent pas d’une simple routine, et pour lesquelles une formation plus longue est une condition nécessaire (même si elle n'est pas suffisante), gagnent en importance
Cela ne prouve pas que l'enseignement tertiaire répond à ces attentes et ne se contente pas de délivrer des titres ronflants pour des compétences dont personne ne veut.
Que fait la recherche en économie pour répondre à cette question? Elle examine les rendements de la formation. Or ceux-ci sont restés élevés depuis les années 1990, bien que la part des diplômes tertiaires ait plus que doublé. On peut y voir une preuve indirecte que l’enseignement tertiaire répond aux besoins du marché du travail. Dans le secteur privé du moins, une entreprise ne serait pas prête à payer plus cher des employés plus diplômés si la productivité n'était pas proportionnellement plus élevée.
Au lieu de déplorer une académisation qui s’avère inexistante, nous devrions plutôt être reconnaissants aux jeunes d'aujourd'hui de renoncer volontairement à des années de salaire pour se former. Car c'est grâce à ces investissements individuels que la compétitivité de notre pays est élevée, et le restera à l’avenir.
Cette tribune a été publiée en allemand dans la Neue Zürcher Zeitung du mercredi 24 août 2022.