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«A Mancy, je ne voulais plus être complice, alors je suis partie»

Le foyer de Mancy, à Genève, le 26 janvier 2021. | Eddy Mottaz, pour Le Temps et Heidi.news

L'enquête conjointe de Heidi.news et du Temps a révélé les maltraitances répétées d’une partie des employés sur les enfants autistes du foyer de Mancy, à Genève. Voici les témoignages d’anciens membres du personnel.

Un état de «sidération», un sentiment d’«impuissance». Ces mots reviennent à plusieurs reprises à la bouche de Judith, Sarah et Christiane. Rencontrées séparément, elles souhaitent garder l’anonymat. Elles ont travaillé au foyer de Mancy et décrivent des scènes d’une grande violence.

«Déjà, on ne voit pas, on entend, relate Christiane. Pour l’un des enfants, Diego*, le moment du bain était très anxiogène. Il fallait avancer doucement pour qu’il se sente en sécurité. Un jour, j’entends Diego crier. Je sors dans le couloir et vois un collègue, Jean-Louis*, le traîner par les pieds vers la salle de bains.

Diego était terrorisé par ce collègue. S’il se trouvait dans la cuisine, où les enfants prenaient leur repas, Diego refusait d’entrer. Jean-Louis avait décidé que ce n’était pas à lui de quitter la pièce. Alors Diego est parfois resté sans manger pendant deux jours. On nous disait: ‘de toute façon, il ne va pas se laisser mourir de faim’»

Avec Diego, les moments du repas pouvaient être compliqués, par exemple s’il y avait du bruit, s’il faisait trop chaud, ajoute Sarah.

«Une fois, il a jeté son assiette. L’éducatrice présente a alors décrété qu’il n’avait plus le droit de manger, qu’il devait sortir de la pièce. Il fallait lui montrer que son geste entraînait une sanction. Diego était prostré, car il culpabilisait. J’ai immédiatement dit qu’il était hors de question que je l’oblige à quitter la cuisine. Elle l’a pris et tiré dans le couloir.»

Judith évoque un autre épisode.

«Un des jeunes devait partir en camp. Il avait peur de Jean-Louis, présent ce jour-là. Au moment de quitter le foyer, il l’a croisé et s’est figé. L’éducateur s’est éloigné, mais est quand même resté. Il ne voulait pas céder. L’enfant a commencé à paniquer et à monter les tours. Jean-Louis l’a alors empoigné, jeté par terre et a pesé avec son genou de tout son poids sur son torse, comme sur un ring.»

Ce même Jean-Louis se vantait aussi d’avoir fait un «high kick», un coup de pied pratiqué dans certains sports de combat, dans le ventre d’un enfant et que ce geste l’avait «projeté au sol». Cela «pour se défendre» car il s’agit d’un enfant parfois agressif, qui s’était levé de son lit et approché de lui à un moment où il avait les deux mains prises.

Plusieurs témoins reviennent aussi sur le cas d’Elias, le fils de Natacha Koutchoumov, co-directrice de la Comédie de Genève, qui avait témoigné dans L'Illustré.

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