Une banque tombe et les cryptos s'affolent

La faillite de la Silicon Valley Bank a eu des répercussions sur plusieurs cryptomonnaies. Ironique, alors que la finance décentralisée se veut une alternative moins vulnérable que les monnaies étatiques? On en parle.

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La filiale britannique de Silicon Valley Bank a été rachetée pour une livre symbolique par HSBC. | Keystone via EPA / Andy Rain
  • C'est une faillite comme il n'y en a pas eu depuis la crise financière de 2008. Silicon Valley Bank (SVB), une banque de détail, a été placé vendredi sous le contrôle du régulateur américain.

  • La banque détient plus de 160 milliards de dollars de fonds, essentiellement déposés par des start-up technologiques.

  • Durant le week-end, la peur a eu des effets sur les valeurs de plusieurs cryptomonnaies, alors même qu'elles sont présentées comme des alternatives au système financier traditionnel.

De quoi on parle. Circle, l'entreprise qui émet le USDC, le deuxième stablecoin le plus utilisé, a annoncé vendredi 10 mars qu'elle n'avait pas réussi à retirer 3,3 milliards de dollars qu'elle détient auprès de SVB.

  • Un stablecoin est une cryptomonnaie dont la valeur est adossée à un autre actif, en l'occurrence le dollar. Ce type de cryptomonnaie est très apprécié parce que sa valeur n'est pas soumise aux mêmes fluctuations que Bitcoin ou Ethereum.

  • Un USDC est donc toujours censé s'échanger contre 1 dollar. Mais la faillite de SVB a provoqué un vent de panique auprès de certains investisseurs, et la valeur de l'USDC a brièvement atteint 0,88 dollar avant de remonter à un peu plus de 0,99 dollar.

  • D'autres stablecoins, comme le DAI, ont aussi été affectés, parce qu'ils détiennent une partie de leurs garanties sous la forme... d'USDC.

Quel lien entre une banque et les cryptos? Comment expliquer que la faillite d'une banque puisse toucher une cryptomonnaie censée être indépendante du système bancaire traditionnel?

  • C'est parce que le USDC est émis par une entreprise qui garantit que le stablecoin peut être échangé contre un dollar. Pour pouvoir assurer cette convertibilité, Circle doit détenir un dollar pour chaque USDC en circulation.

  • C'est justement son exposition à SVB à hauteur de 3,3 milliards de dollars qui a semé brièvement le doute sur la solidité du USDC.

  • Un doute qui n'aurait pas pu affecter Bitcoin ou Ethereum puisque la valeur de ces cryptomonnaies ne repose pas sur les avoirs d'une entreprise.

Un stress test grandeur nature. La faillite de SVB devrait néanmoins être l'occasion pour le USDC de démontrer la résilience de son modèle.

  • Circle détient actuellement 32,4 milliards de dollars en bons du Trésor américain, et 9,7 milliards déposés auprès de différentes institutions, dont SVB.

  • Les bons du Trésor américain sont des emprunts émis par l'Etat. Plutôt que de laisser dormir chaque dollar censé garantir la valeur du USDC, Circle prête une importante partie de ses fonds au Trésor afin d'encaisser des intérêts. C'est comme ça que l'entreprise se fait de l'argent.

  • Selon Circle, le délai de ces prêts est de trois mois maximum, ce qui lui garantit de toujours bénéficier de liquidités pour faire face à une éventuelle vague de retraits.

La grande inconnue. Reste à savoir si la faillite de la SVB provoquera une contagion à d'autres établissements bancaires, dont certains pourraient être des partenaires de Circle.

  • Un tel scénario pourrait provoquer un vent de panique, poussant les investisseurs à échanger massivement leurs USDC contre des dollars auprès de Circle, qui ne pourrait pas immédiatement répondre à la demande.

  • Une réaction en chaîne pourrait alors conduire à la faillite du USDC, l'un des piliers de la finance décentralisée. Une disparition qui aurait été provoquée par le défaut d'une banque... traditionnelle. Une ironie funeste.

  • Mais cette éventualité semble déjà écartée: les cryptomonnaies ont déjà effacé leurs pertes, alors que les Bourses dévissent dans le monde entier.