Les ingénieurs en IA sont-ils en train de construire la machine qui va les remplacer?
Les IA génératives ne se contentent pas d'écrire des poèmes ou de dessiner dans le style du studio Ghibli. Elles sont aussi capables de rédiger des programmes informatiques. Les ingénieurs en IA sont-ils en train de construire la machine qui va les remplacer demain? Notre enquête.
Dans le domaine de l’intelligence artificielle, la mise en ligne de ChatGPT a déclenché une course aux armements. Tout en coupant dans leurs effectifs, les géants du numérique comme Google réorientent leurs ingénieurs vers ce domaine. Et, les investisseurs se ruent en masse vers les start-up de l’IA.
Les ingénieurs en IA conçoivent des outils de plus en plus performants pour écrire ou dessiner, mais aussi pour coder des programmes. Protégés (pour l’instant) des vagues de licenciements de la tech, ne sont-ils pas en train de fabriquer les machines qui vont les remplacer demain?
Pourquoi il faut nuancer. Les IA génératives de type ChatGPT ne sont pas seulement capables d’écrire des poèmes ou des dissertations. Demandez-leur de réaliser des pages web, des applications et mêmes des jeux informatiques et elles s’exécuteront rapidement. Au point de remplacer les programmeurs qui font ce travail?
Les chercheurs, investisseurs, consultants et entrepreneurs spécialistes de ce secteur que Heidi.news a interrogés sont beaucoup plus nuancés. Comme pour le texte, l’image (ou la vidéo, en train d’arriver) on devrait plutôt plus parler de machine à inspirer qu’à remplacer. Explications.
L’îlot de l’IA. La vague de licenciements sans précédent qui touche le secteur technologique épargne les ingénieurs en intelligence artificielle et autres data scientists. Il y avait déjà une pénurie pour ce type de talents et les entreprises ont besoin de leur expertise dans l’apprentissage machine et la préparation des bases de données sur lesquelles s’entraînent ces programmes.
Executive Vice President en charge des sujets web3 au sein de Mantu, un acteur international de la transformation numérique des entreprises dont le siège est à Genève et qui emploie 10000 personnes dans le monde, Mathieu Ragetly explique:
«Pour l’instant, l’IA est préservée par rapport au reste de la tech. Les entreprises considèrent l’IA comme un différenciateur. Donc, il y a des recrutements. Toutefois, comme pour le web3, les perspectives de retours sur investissement sont aléatoires. Les entreprises et les investisseurs dans les start-up ont besoin de concret. Il y aura donc des licenciements à venir. Mais je ne suis pas inquiet pour ce vivier. Il y a une pénurie de spécialistes depuis des années. Ils rebondiront dans d’autres projets.»
Pour Sacha Labourey, le CEO de Cloudbees, une entreprise de logiciels qui emploie 600 personnes entre la Suisse et les Etats-Unis:
«L’IA c’est l’excitation du moment. Et alors qu’il s’agit de faire mieux avec moins de ressource, l’IA, dont c’est exactement la logique, est naturellement privilégiée.»
Cela dit, il y a aussi quelques signaux qui montrent que les ingénieurs en intelligence artificielle ne sont pas complètement à l’abri des restructurations de la tech. La semaine dernière:
Deepmind, la filiale de Google-Alphabet qui avait développé une IA pour battre les meilleurs joueurs de go, a annoncé la fermeture de sa filiale au Canada.
La réduction de 3900 postes d’IBM devrait aussi toucher le personnel de sa division Watson Health spécialisée dans l’IA médicale.
L’IA qui code. Les IA génératives ne se contentent pas de produire des textes ou des images. Certaines transforment du langage naturelle en code informatique, comme:
Codex d’OpenAI (l’entreprise derrière ChatPGT).
AlphaCode de Deepmind.
Sacha Labourey observe:
«Même les gens de la tech sont bluffés par GPT 3.5 (le modèle d’IA sous-jacent de ChatGPT) car il change le développement même des logiciels.»
Pour Helga Rietz-Pankoke, responsable de la communication scientifique du AI Center de l’Ecole polytechnique de Zurich:
«Ces outils vont rendre le codage de programmes beaucoup plus accessibles et l’utilisation d’outils comme GPT va devenir une nouvelle compétence.»
Le grand remplacement. En viendra-t-on à ce que ces logiciels remplacent les informaticiens qui les mettent au point? Le blogueur technologique Robert Scoble nous fait une réponse radicale:
«Nous n'utiliserons plus Microsoft Windows ou des ordinateurs en 2D dans une décennie. Nous serons dans un espace virtuel en 3D dirigé par l'IA. La seule façon d'obtenir de la croissance sera donc de créer des produits pour ce nouveau monde. Pour cela, il faut abandonner les anciennes techniques logicielles et se tourner rapidement vers l'IA.»
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