Numérique: la Confédération ne doit pas oublier qu'elle a des comptes à rendre

Image d'illustration | Keystone / Pierre Albouy

Le certificat Covid a connu deux pannes en moins de deux semaines. Qu’un outil numérique puisse expérimenter quelques accrocs – d’ailleurs assez vite résolus – n’est pas surprenant en soi. L’informatique n’est pas une science exacte et même les plus grandes entreprises technologiques n’y échappent pas. Sur ce point, pas de quoi jeter la pierre aux autorités. Mais il y a bien un élément qui pose un sérieux problème. C’est celui de la transparence.

Lors de ces deux pannes, Heidi.news a contacté l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et l’Office fédéral de l’informatique et de la télécommunication (OFIT). Le premier a la charge de la gestion de la pandémie de coronavirus. Le second gère les solutions informatiques mises en œuvre par la Confédération, dont le certificat Covid. L’OFSP a systématiquement renvoyé vers l’OFIT, et l’OFIT s’est contenté de communiquer via Twitter ou de répondre des phrases qui fleuraient bon la langue de bois. Impossible d’obtenir des explications plus détaillées.

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Les causes de ces pannes n’étaient sans doute pas graves. Mais le certificat Covid est devenu la pierre angulaire des mesures sanitaires pour lutter contre le coronavirus. Il faut le présenter pour consommer dans les bars, les restaurants, se rendre au cinéma, au théâtre, dans les EMS ou les hôpitaux. Il est donc normal d’attendre des autorités qu’elles expliquent pourquoi, soudainement, cet outil indispensable à de nombreuses activités sociales ne fonctionne plus. Quand bien même cet arrêt inopiné ne dure que quelques heures.

La Confédération ne semble plus disposée à collaborer avec les journalistes s’agissant de la gestion de crise. Les erreurs sont normales, surtout en situation d’urgence. Mais pour ne pas les reproduire, il faut déjà les reconnaître.

  • Sur le dossier de la fondation MesVaccins, sur lequel la Confédération a fondé beaucoup d’espoir pour le carnet de vaccination électronique, tout est fait pour diluer la responsabilité des autorités.

  • Sur la réelle efficacité de Swisscovid, l’application de traçage des contacts, impossible d’obtenir des informations détaillées autres que les statistiques fournies par la Confédération, sujettes à interprétation.

  • Et désormais, sur le certificat Covid, les pannes font l’objet de brefs communiqués évasifs.

S’agissant de la panne expérimentée par le certificat Covid le jeudi 28 octobre, un autre élément concomitant s’est ajouté: la circulation en Europe de faux certificats, semble-t-il émis grâce à des sites officiels mal sécurisés dans différents pays.

L’application Covid Certificate Check, au moment où ces lignes sont rédigées, reconnaît toujours comme valide ces pass sanitaires frauduleux. Heidi.news a pourtant averti les autorités mercredi 27 octobre dans la soirée. La Confédération dispose-t-elle d’une procédure de révocation des certificats? En France, l’application TousAntiCovid Verif a révoqué les certificats frauduleux jeudi 28 octobre en milieu de journée. Pourquoi ce n’est pas le cas en Suisse?

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Cette absence de transparence est lourde de conséquences. Le premier risque est celui d’une rupture de confiance, alors même que les Suisses sont appelés aux urnes pour se déterminer sur la nouvelle version de la loi Covid introduisant les bases légales pour le certificat Covid. Et il y a ensuite les risques liés aux effets de bord: puisque les autorités ne veulent pas donner des éléments plus précis aux journalistes, ceux-ci cherchent des réponses auprès d’experts qui n’ont pas accès à toutes les informations. Les conjectures ne peuvent en définitive qu’ajouter de la confusion à la confusion.

La pandémie est source de stress pour tout le monde. Les autorités sont aussi concernées. Mais cette stratégie de communication minimale n’est pas acceptable et pose de sérieuses questions en termes de contrôle démocratique. Les outils numériques doivent être aussi transparents que les autres processus décisionnels. Or, tout porte à croire que la crise sanitaire a donné le sentiment à la Confédération qu’elle pouvait s’abstraire de ses obligations en matière de transparence s’agissant de ses projets informatiques. Il est temps qu’elle se réveille, où la méfiance d’une part toujours plus importante de la population ne fera que s’accentuer.