L'armée suisse veut se lancer sur TikTok et relance le débat

Image d'illustration. | Keystone via Ti-Press / Pablo Gianinazz

L'armée suisse envisagerait de recourir à TikTok pour faire sa promotion auprès de potentielles futures jeunes recrues, selon la RTS. Un projet qui fait réagir, alors que les Etats-Unis et la Commission européenne ont banni l'application des téléphones de leurs employés.

C’est une information qui peut prêter à sourire. L’armée suisse veut se lancer sur l’application TikTok pour faire sa promotion auprès des jeunes, selon une enquête de la RTS. La Confédération a publié une offre d’emploi fin février, indiquant que «TikTok est [le] prochain objectif» de l’armée suisse sur les médias sociaux.

Pendant ce temps, la Commission européenne et les Etats-Unis accusent l’application d’espionnage pour le compte du gouvernement chinois…

Pourquoi c’est important. Les Etats-Unis ont décidé d’interdire l’usage de TikTok sur les téléphones de certains utilisateurs sensibles (haut fonctionnaires, parlementaires…) en janvier 2023. La Commission européenne a suivi fin février, et le Parlement lui a emboîté le pas début mars. La question d’une interdiction totale de l’application se pose désormais à Washington.

Lire aussi: Interdiction de TikTok: La Suisse va-t-elle suivre l’Europe?

Pour l’instant, la Suisse n’a pas encore pris position sur la question, même si des parlementaires ont demandé début mars son interdiction. Le Centre national pour la cybersécurité examinerait les risques associés à l’application, et la Confédération aurait demandé des précisions à la Commission européenne sur les motifs ayant conduit à sa décision de l’interdire pour ses employés.

Le projet de l’armée suisse s’inscrit dès lors dans un contexte particulièrement incertain pour l’avenir de TikTok en Europe et aux Etats-Unis. L’offre d’emploi, publiée par la Confédération à la fin du mois de février, apparaît pour le moins à contre-tempo. Signe d’un certain malaise, l’armée aurait d’ailleurs revu sa copie après les sollicitations de la RTS: elle examinerait désormais les «aspects sécuritaires» de l’application, selon le média.

Un débat sain. Le projet initial de l’armée suisse fait sourire le conseiller national Samuel Bendahan (PS/VD):

«C’est difficile de prendre l’armée au sérieux si sa stratégie pour faire sa promotion auprès des jeunes repose sur TikTok. Cela me semble en plus en parfaite contradiction avec l’objectif de sécurité de l’institution.»

Selon l’élu, l’armée devrait symboliquement se montrer à la pointe en matière de protection des données. Cela rend ainsi difficile de justifier le recours à une application systématiquement montrée du doigt dans ce domaine.

La conseillère aux Etats Johanna Gapany (PLR/FR) a une analyse différente:

«C’est un projet qui a du sens au regard des canaux d’informations utilisés par les potentielles recrues. Sous cet angle, je comprends la décision de l’armée suisse.»

Certes, TikTok serait l’application préférée des moins de 26 ans en Suisse. Mais le timing n’est-il pas malheureux? «Je trouve que ce débat est sain et nécessaire, rétorque la sénatrice fribourgeoise. On cesse gentiment d’être naïfs en comprenant que ce qui est gratuit à un prix.»

Selon elle, si l’armée va de l’avant avec TikTok, elle devra bien entendu prendre en compte les risques, en particulier dans le domaine de la géolocalisation et de l’accès au micro et à la caméra. «Ce sera un test grandeur nature pour le nouvel office fédéral chargé de la cybersécurité», conclut Johanna Gapany.