De ChatGPT à Midjourney, les médias jouent-ils aux apprentis sorciers avec l'IA?
Un mauvais usage de l'IA risquerait de briser le lien de confiance qui unit les médias à leurs publics, déjà mis à mal ces dernières années, avertissent plusieurs experts.
La révolution des IA génératives, de ChatGPT à Midjourney, a déferlé sur tous les pans de l’économie, médias compris. En fanfare ou en catimini, les expérimentations se multiplient dans les rédactions: de la radio Couleur 3 et son édition spéciale du 27 avril à la chaîne romande M le Média et son animatrice météo 100% virtuelle, en passant par le manque de clarté de BuzzFeed US quant à la paternité des articles écrits par IA.
Dans le même temps, il n’a jamais été aussi facile de monter des fermes à contenus grâce aux IA, rappelait en début de semaine une étude de Newsguard, start-up américaine luttant contre les fake news. Faut-il voir dans les noces entre IA et journalistes un mariage pour le meilleur… Ou pour le pire?
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Les médias jouent-ils aux apprentis sorciers? Côté pile, ces IA peuvent les aider à développer une proposition éditoriale originale ou déléguer des tâches présentant une moindre valeur ajoutée. Côté face, tout couac pourra entraîner une perte de confiance durable, dans un contexte déjà mis à mal ces dernières années par un ensemble de facteurs. C’est par exemple l’avis du photojournaliste genevois Niels Ackermann qui appelle les journalistes à redevenir des «marchands de vrai». Tour d’horizon des risques en présence.
A ce sujet, nous vous invitons à lire notre charte déontologique vis-à-vis des IA génératives et des contenus synthétiques.
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Quelle serait une bonne place pour l’IA dans les médias? Sébastien Salerno, chercheur en communication et média à l’Université de Genève, rappelle que le débat n’est pas tout à fait nouveau:
«Les techniques d’IA ont déjà pris place au sein de différentes rédactions depuis plusieurs années, notamment pour participer à des tâches de résumé, traduction, de personnalisation/recommandation… Les médias n’ont jamais eu autant d’outils à disposition pour proposer de la plus-value à leurs publics (logiciels de data visualisation, etc.).»
Mais les journalistes ne peuvent pas utiliser ces outils aussi simplement que les communicants, explique Nathalie Pignard-Cheynel, directrice de l’Académie du journalisme et des médias (AJM) à l’Université de Neuchâtel:
«Le journalisme a un cadre éthique fort, avec des principes comme le respect de la vérité et des personnes, ce qui la distingue des autres professions de production de contenu. L’usage des IA doit respecter ce cadre. Dans un monde idéal, l’IA serait un complément pour assister les journalistes dans des tâches répétitives et les aider à créer de la valeur ajoutée: exploration des grands volumes de données, détection des signaux faibles, résumés de textes longs… »
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Animatrice virtuelle, risque bien réel. Après la fausse photo du Blick, un autre recours aux IA a été beaucoup médiatisé en Suisse romande: l’animatrice météo 100% virtuelle, nommée Jade, de la chaîne numérique M le Média. Las: celle qui était présentée comme une création extraordinaire est en fait l’un des visages proposés par défauts par la solution HeyGen, créé par d’anciens de TikTok, qui permet de produire des contenus vidéos avec des animateurs virtuels pour une poignée de dollars la minute.
Plus problématique: le visage de Jade a aussi été utilisé dans le cadre de vidéos de désinformation en Guinée, révélait sur Twitter le journaliste de France24 Alexandre Capron.