Marc Bonnant, Darius Rochebin et «l'éloge de l'ombre»
Le temps passe et s’efface. Les manchettes du Matin ne sont plus, les wagons-restaurants des CFF ne servent plus de riz casimir et Darius Rochebin, jadis chouchou des Romands, a été emporté en novembre dernier par un tsunami #metoo. Les feuilles mortes se ramassent à la pelle. L’une d’entre elles résiste pourtant encore et toujours. Immun aux vents et aux révolutions, le pénaliste genevois Marc Bonnant confirme «ne pas avoir l’obsession rimbaldienne d’être moderne».
Considéré parfois meilleur orateur francophone vivant, il ne possède toujours pas d’ordinateur et se sert d’un simple téléphone à touches lors de ses déplacements. Je l’ai rencontré peu avant Noël. Sitôt dépouillés de nos masques, il a complimenté mon apparence, «ce fond qui remonte à la surface», et s’est allumé une cigarette. Puis des références à Montherlant et à Talleyrand sont arrivées à mes tympans. Un ange est passé. J’ai rougi. Il s’est penché vers moi et, la voix grave, m’a dit «que puis-je faire pour vous, mon bel enfant?»
J’ai sorti mon enregistreur et lui ai répondu: me parler de Darius Rochebin. Surnommé l’avocat du diable, Marc Bonnant a décrit l’amitié et l’estime qu’il porte à Darius Rochebin, «un homme profond, délicat et cultivé, remarquable sourcier de la parole de l’autre. Un maïeuticien.» J’ai évoqué les dénonciations dont l’ancien présentateur vedette fait présentement l’objet. Je vous propose ci-dessous la transcription de notre entretien.
Marc Bonnant: J’ai appris en lisant Le Temps ou telle autre gazette que Darius Rochebin aurait une sexualité inorthodoxe et inventive. Il a, je le sais, déposé plainte et conteste ces allégations. Mais de mon point de vue, serait-ce vrai que ce serait signe de vitalité! Cela étant, un homme public, considéré tel parce qu’il apparaît en public, a le droit au respect de sa vie privée. Le clair-obscur de nos désirs relève de la sphère intime. Elle n’a pas à être livrée à d’amers folliculaires et aux chiens.