La vision urbaine officielle du Grand Genève, qui s’appuie notamment sur un système de zones obsolète, est complètement dépassée à l’aube du troisième millénaire. Ainsi la zone 3 de développement, dessinée au plein milieu des Trente Glorieuses, ne peut plus à l’heure actuelle s’appuyer sur aucun fondement théorique qui justifie encore son tracé.
C’est dans ce contexte que les promoteurs de la Cité de la musique, encouragés par les responsables des différents services de l’Etat, ont considéré le domaine des Feuillantines à la place des Nations comme un simple terrain à bâtir pour leur grand projet. C’était faire fi de l’existant, c’est-à-dire une irremplaçable demeure italianisante et sa dépendance construites en 1888 pour la famille Duval par Gustave Brocher, qui n’est pas le dernier venu des architectes genevois, et d’un parc un peu sauvage doté d’arbres anciens.
Le caractère très exceptionnel du domaine des Feuillantines, situé sur le territoire de la Ville de Genève, réside précisément dans l’ensemble constitué par la maison et son cadre vivant miraculeusement parvenus quasi-intacts jusqu’à nous. Toute une flore et une faune ont acquis là droit de cité. Seule une conception de protection holistique pourrait protéger cette valeur d’ensemble et l’adoption par la Direction du patrimoine d’une mesure de «plan de site» aurait fait montre d’un peu de clairvoyance.
La Genève de demain doit prendre des mesures fortes en matière de développement pour apprivoiser le réchauffement climatique et ce n’est pas l’ONU qui me contredira! Il y va de sa survie. Il faut avoir maintenant le courage, en revenant sur des «droits à bâtir» considérés comme acquis, de soustraire les enclaves significatives alliant nature et culture du bâti qui subsistent providentiellement intactes comme l’est assurément la propriété des Feuillantines, dont le destin optimal serait d’être promue «réserve patrimoniale et de la biodiversité» en Ville de Genève.