L'écrivain Ariel Bermani nous raconte Maradona, héros du roman national argentin
Ariel Bermani est un écrivain argentin, poète et supporter du Club Atlético Independiente de Buenos Aires. Il a publié seize livres couronnés de plusieurs prix littéraires. Ruptures, traduit en français par Pierre Fankhauser et publié en Suisse chez BSN Press, raconte la dérive de Ric, un ancien gamin des quartiers populaires marié à Dolores, bourgeoise matérialiste.
Mercredi matin, Ariel Bermani sortait de la piscine quand il a reçu le message d’un ami: «Maradona est mort.» Il n’y a pas cru, pas plus que les précédentes fois: dans les médias, Maradona faisait régulièrement l’objet de fausses rumeurs.
Nous l’avons contacté pour qu’il nous livre sa vision de Diego Maradona, personnage emblématique de la culture argentine et mondiale. Derrière lui, une télévision allumée diffuse les premiers affrontements entre la police et l’immense foule massée aux portes du palais présidentiel, venue se recueillir sur le cercueil de la star. Affligé par ces images, Ariel Bermani croque dans un glaçon – en cette fin de printemps, il fait déjà chaud dans la ville électrique.
Pandémie et récupération politique: «Rassembler des dizaines de milliers de personnes en pleine pandémie? C’est une folie. Une veillée funèbre à la Casa Rosada, on n’avait pas vu ça depuis la mort de Nestor Kirchner en 2010. Là aussi, il y avait eu des débordements. Pour moi, ce n’est pas un hommage, c’est de l’opportunisme, une manière de capitaliser sur sa mort. Maradona a toujours fait l’objet de récupérations politiques, à cause de sa popularité. Il suffisait de poser avec lui pour s’assurer des milliers de votes. En Argentine, le Covid a fait 32’000 morts, les rassemblements de plus de huit personnes sont toujours interdits. Jusqu’à très récemment, on ne pouvait même pas dire au revoir aux défunts de sa propre famille. 2020, c’est une année rude. Quino, le père de Mafalda est mort. Le compositeur Gabo Ferro est mort. Le cinéaste Fernando Solanas est mort. Et aujourd’hui, Maradona. Mais les images que je vois me désolent: cette veillée funèbre est un acte de grande inconscience de la part du gouvernement.»
Diego Maradona, créature romanesque: «Maradona est un personnage de fiction par excellence. D’abord parce que les gens le connaissent indirectement, par le truchement des médias, comme c’est le cas des personnages de littérature et de cinéma. Ensuite, parce qu’il a connu des dizaines de métamorphoses et de renouvèlements. Depuis 1976, date de ses premières apparitions publiques, il a changé 1000 fois d’apparence. Physiquement, sa capacité de transformation est bestiale. Son tempérament aussi: capricieux, narcodépendant, exalté, sans freins ni limites, disant toujours ce qu’il pense, sûr de sa vérité.