«Happy Pills», quand le documentaire s’empare d’une scène d’opéra
Le réel a fait une apparition sur la scène du Grand Théâtre de Genève. Jeudi dernier, pour une représentation unique, le journaliste Arnaud Robert, le photographe Paolo Woods et le musicien Tobias Preisig y ont présenté le projet Happy Pills à l’occasion de la production de L’affaire Makropoulos (dès le 26 octobre), où il est aussi question d’élixirs.
Des personnages autour du monde. De cette enquête en récits et en image, on retient surtout des regards. Celui de Patrick, désincarné à moins qu’il ne soit sidéré, opaque, déconcertant. Pris dans la fente d’un rétroviseur, il cille à peine pendant que le pare-brise de sa voiture passe sous la drache d’un car-wash. Celui d’Addi, adolescente américaine qui scrute sur l’écran de son téléphone l’apparence lustrée d’autres vies que la sienne. Ceux des bodybuildeurs indiens, les yeux plissés jusqu’à disparaître sous l’effort d’un sourire forcé. Ou celui, évasif et rincé, de cette jeune mère de quatre enfants qui prend son injection contraceptive dans un dispensaire de l’Amazonie péruvienne. Ces images inédites, extraites d’un film en devenir, étaient accompagnées par le violoniste zuricho-berlinois Tobias Preisig, ou plutôt sous-titrées, tant sa partition révélait la détresse mélancolique, latente ou manifeste, des visages à l’écran.