Écolo, il dessine le théâtre du futur en extérieur

Mathias Brossard | Photo: Diane Albasini

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À 31 ans, Mathias Brossard est l’une des figures montantes de la nouvelle génération de metteurs en scène en Suisse. Après avoir assisté les grands noms comme Denis Maillefer ou François Gremaud, l’ancien étudiant en théâtre à la Manufacture-Haute École des Arts de la Scène, multiplie les projets avec son collectif CCC (pour ensemble de Comédiennes et Comédiens à Ciel ouvert). Il travaille sur Les Rigoles, une pièce itinérante dans l’espace urbain coproduite par le Théâtre Les Halles à Sierre ou encore Platonov, une version immersive de Tchekhov jouée dans la forêt. Le Lausannois d’adoption participe également au séminaire «Imaginaires des futurs possibles» au Théâtre Vidy-Lausanne.

Le point commun de ses recherches artistiques? Un goût prononcé pour l’exploration «hors les murs». Ce n’est pas pour rien qu’il est aujourd’hui le nouvel artiste-associé du far° fabrique des arts vivants à Nyon. Le lieu culturel s’intéresse de près à ses excursions in situ, soit la création d’œuvres en fonction du lieu. Avec le festival vaudois, Mathias Brossard entame un compagnonnage de deux ans autour d’une recherche baptisée Topographique. «Dans le sillage de la crise environnementale et sanitaire, il questionne la manière de penser, de produire et diffuser le spectacle vivant. Entouré d’une équipe artistique, il souhaite générer une véritable écologie du spectacle», lit-on dans la newsletter de l’institution.

Un de ses objectifs? Travailler des projets avec de grandes distributions sans électricité. Pour lui, il est aussi essentiel d’alléger les infrastructures. «Ca ne fait pas sens de déplacer d’immenses gradins en ferraille au milieu de la forêt», souligne le metteur en scène. Il crée avec une conscience écologique accrue. Et pense un futur plus vert pour le théâtre.

Naturellement, il conceptualise des performances en plein air, comme son Platonov qui invite le public par ailleurs à camper sous les arbres. Des formes aujourd’hui qui se dessinent comme des réponses judicieuses face à la crise qui perdure. «On sait que scientifiquement, les taux de transmissions sont plus faibles dans les espaces ouverts mais cette thématique est absente des décisions politiques quand on aborde le retour des événements culturels», analyse-t-il, interloqué.

Jusqu’au-boutiste, Mathias Brossard veut pousser encore plus loin sa réflexion sur l’empreinte de son art dans l’environnement: «Après notre passage, comment ne laisser qu’une trace dans l’imaginaire plutôt que des traces physiques?». Avec le soutien du far°, le comédien pourra creuser la question en échangeant avec des spécialistes. «J’aimerais collaborer avec des ingénieurs forestiers pour que la forme s’adapte à l’environnement et pas l’inverse. Imaginez que ce soit possible de réaliser une pièce dans une réserve naturelle, sans l’abîmer!»

Est-ce que les projets in-situ s'inscrivent dans la durabilité alors qu’à la base, ils naissent pour un lieu d’origine? «Oui, ils peuvent tourner. Il suffit de se réapproprier un nouvel espace sans en faire une simple toile de fond.» Les œuvres peuvent ainsi se déplacer sur le long terme. «Chaque nouvel environnement devient alors co-créateur du spectacle au même titre que les interprètes et le texte», souligne encore Mathias Brossard.

En attendant de découvrir le résultat de ses productions avec le far°, sa création Les Rigoles, se donne à voir (si tout va bien) dès le 18 mai à Sierre, puis cet été à Nyon.