Le disque comporte ses 5 Klavierstücke (Pièces pour piano), des transcriptions par Otto Singer et Max reger, ainsi qu’une adaptation pour piano de l’Andante posthume, emplie de poésie, signée par le musicien genevois lui-même. Cette pièce, «que seuls les cornistes connaissent», il l’a souvent jouée. «Elle est à la fois quelque chose d’assez naïf et très straussien».
Car Richard Strauss nourrissait une relation toute particulière avec l’instrument de son père. Premier cor solo de l’Opéra de Bayreuth, Franz Strauss participa à ce titre aux premières exécutions des opéras de Wagner et occupait la fonction de professeur de cor à l’Académie de musique de Munich. Rien de plus naturel, dès lors, que Strauss le fils mette spécifiquement cet instrument en valeur dans ses œuvres, «d’une forme très héroïque», comme dans ses deux concertos pour cor et son poème symphonique Till l’Espiègle, où le héros est incarné par l’instrument si riche en harmonies.
Prendre de la hauteur. Il est comme qui dirait super actif, Christophe Sturzenegger. Issu d’une famille de musiciens, le fait d’étudier deux instruments au niveau professionnel lui a permis de maintenir un certain équilibre. «Etre corniste a peut-être pour conséquence que je respire mieux quand je suis au piano», analyse-t-il. «Oui, des fois j’ai des journées un peu remplies. Mais c’est aussi un moteur.» Qu’il soit derrière son (ses) instrument(s) ou à 4400 mètres d’altitude pour jouer du cor des Alpes du haut du Cervin. Féru de montagne, il donne parfois l’impression de passer plus de temps sur les cimes qu’à faire ses gammes. Cela ne l’a pourtant pas empêché de graver l’année dernière un disque consacré au cor, un projet cette fois en conséquence directe de la crise de Covid-19.
En mars 2020, la culture s’arrête et les annulations de concerts pleuvent. «Je me revois en train de me dire qu’il faut s’entretenir. Pendant un jour ou deux, on fait des gammes, des techniques, et c’est super!», sourit-il.
«Puis je me suis mis à retrouver des partitions ici et là dans mes archives. Je me suis dit que comme on ne savait pas combien de temps ça allait durer, autant préparer un disque! Là, le travail prend alors un sens tout à fait différent.»
Un enregistrement est-il rentable ? Un disque coûte beaucoup d’argent mais n’en rapporte pas énormément, du moins directement. «Mais dans ma démarche artistique, j’aime bien ce côté où l’on prend une photo de l’instant T. Une trace, comme un témoignage d’un moment donné», explique-t-il.
«Selon le type d’activité musicale, à l’orchestre ou en accompagnement, on passe souvent rapidement d’une œuvre à une autre. Dans l’acte d’enregistrer, j’aime le fait de me plonger dans une œuvre, la creuser en profondeur.»
Et plus concrètement, le disque et le travail de promotion autour permettent de marquer la présence de l’artiste et générer davantage d’engagements sur les saisons suivantes.
Le jour où l’on se parle coïncide avec la rentrée du second semestre à la Haute Ecole de Musique de Genève, où Christophe Sturzenegger enseigne le piano comme instrument secondaire, l’harmonie pratique et l’improvisation au piano. Avant de clore notre discussion, nous évoquons l’état des étudiantes et étudiants en ces temps de fermetures et distanciations.
«C’est extrêmement difficile pour eux de garder la tête au-dessus de l’eau. On le ressent beaucoup dans le travail et dans l’humeur. Ils sont déprimés. Pour le côté financier, il existe de l’aide de la part de l’institution et de diverses fondations, mais c’est du soin intensif.»
Il aime échanger avec ses élèves et souligne l’importance de maintenir un contact présentiel avec eux, ce qui est permis pour les cours individuels. «C’est vital».