Energie et climat, dossiers chauds
Énergie et climat sont deux points chauds pour la politique du pays, des dossiers clivants, même dans le pays du consensus. Et le parcours politique de Simonetta Sommaruga l’illustre à travers le «non» populaire à la loi sur le CO2 en 2021, qu’elle avait portée à bout de bras et qui devait traduire dans le droit suisse les engagements de l’accord de Paris.
Raison de l’échec? Le relèvement des taxes sur les combustibles et la perspective d’une nouvelle taxe sur les billets d’avion. En France, les mêmes causes avaient suffi à allumer la mèche des Gilets jaunes. Message reçu par la conseillère fédérale, qui élabore un nouveau projet – cette fois sans nouvelle taxe. Face à l’initiative sur les glaciers, qui entendait pallier l’échec de la loi sur le CO2, elle monte finalement un contre-projet fédéral qui finit par satisfaire les initiants, qui retirent leur texte.
Agir pour le climat, mais sans toucher trop ouvertement aux libertés ou au porte-monnaie. Pour les politiciens chargés de défendre de telles mesures, l’exercice tient de celui d’équilibriste. Et le risque, pour ces derniers, est de se retrouver à incarner le rabat-joie de service qui veut administrer à tous une bonne cuillère d’huile de foie de morue, sans jamais réussir à satisfaire des bords par essence irréconciliables. Une gageure, pour la Bernoise, adepte du consensus, dont le bilan a été salué chez les Verts et au centre.
Le consensus mis à mal
Doit-on se satisfaire du consensus? La société civile lui reproche parfois de ne pas en faire assez: par exemple en 2021 par le gréviste de la faim Guillermo Fernandez, puis hasard du calendrier, le 2 novembre 2022, jour même de sa démission, par les activistes de Renovate Switzerland, qui l’appellent à accélérer la rénovation thermique des bâtiments. Davantage que d’autres départements fédéraux, celui de l’énergie et de l’environnement est de nature à cristalliser les tensions.
En particulier depuis la guerre en Ukraine, elle est également critiquée à droite. En août dernier, l’UDC tirait à boulet rouge sur la conseillère fédérale, estimant que sa gestion de la crise énergétique n’était pas à la hauteur. C’est l’UDC toujours qui a aussi annoncé un référendum après le contre-projet à l’initiative sur les glaciers…
Aux promesses de la diplomatie climatique se superposent désormais des risques très concrets de pénuries de gaz ou d’électricité. Face au risque de blackout, Simonetta Sommaruga réagit, et met sur pied une série de mesures: réserve hydroélectrique, options de livraison de gaz, mécanisme de sauvetage pour les grands électriciens, campagne d’économie d’énergie…
De la pilule bleue à la pilule rouge
Mais la realpolitik et son art des compromis s’est, de fait, invitée dans les politiques climatique et énergétique: d’un côté, l’impératif de sécurité et d’indépendance énergétique. De l’autre, celui de sortir des énergies fossiles. Ces deux objectifs ne sont pas incompatibles, mais le défi est de taille, tant le retard de la Suisse est grand. La pilule bleue s’est transformée en pilule rouge.
Et les trois années passées par Simonetta Sommaruga à la tête du DETEC rappellent qu’on ne peut pas mettre tout le monde d’accord, même dans le pays du consensus helvétique. Et qu’en politique, pour que les idées gagnent, il faut parfois accepter un peu d’impopularité.
Enfin, se souviendra-t-on d’un autre de ses faits d’armes, à l’international cette fois-ci? En 2021, elle fut l’une des rares représentants politiques à s’être opposée, lors de la dernière ligne droite de la négociation de l’accord de la COP26 de Glasgow, à la proposition de la Chine et l’Inde de retirer une mention du texte. Celle-ci concernait la sortie du charbon et l’arrêt des subventions aux énergies fossiles… Plusieurs diplomates, dont l’équipe américaine de John Kerry, avaient alors appelé la délégation suisse à «ne pas laisser tomber le tout».