Sociétés pétrolières: des profits colossaux en 2022 et une fracture atlantique

Un client fait le plein de sa Rolls Royce dans une station-service de Shell à Londres, en octobre 2022. | Keystone / EPA / Andy Rain

Les 5 majors du pétrole enregistrent plus de 150 milliards de dollars de bénéfices en 2022. De quoi relancer le débat sur la taxation des superprofits, sur fond de fracture de plus en plus claire entre l'Europe et les Etats-Unis.

C’est la danse des dollars. Les résultats financiers des grandes sociétés pétrolières en 2022, compilés par Le Monde, donnent le tournis: 153 milliards de bénéfice net pour les cinq plus grands acteurs du marché. La dynamique est vertigineuse: +157% pour ExxonMobil, +134% pour Chevron, +116% pour BP (malgré ses déboires en Russie), +107% pour Shell et +28% pour Total.

Avec un hiatus croissant de part et d’autre de l’Atlantique, analyse le quotidien du soir: les géants européens (BP, Shell, Total) commencent à investir massivement dans l’éolien et solaire — malgré un récent revirement pour BP, d’ampleur encore méconnue. Par contraste, leurs homologues américains (ExxonMobil et Chevron) poursuivent une ligne business as usual, lorgnant du côté de la séquestration carbone pour compenser – une perspective dont la portée doit être sérieusement relativisée.

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Pourquoi ça va relancer le débat. Les «superprofits» des géants de l’énergie fossile sont de plus en plus mal perçus, dans un contexte d’urgence climatique et d’inflation galopante. Du fait de la structure capitalistique de ces groupes, l’argent ainsi capté tend à rémunérer au moins autant les actionnaires que les investissements de moyen et long terme.

En Europe, les Etats membres se sont (difficilement) accordés en 2022 sur une «contribution temporaire de solidarité»: une taxe de 33% au-delà d’un plafond de bénéfices, qui devrait rapporter plusieurs milliards d’euros par an et aider à plafonner le prix de l’énergie. Une décision que n’ont pas manqué d’attaquer les majors américaines, ExxonMobil en tête.

En Suisse, ce débat existe aussi, et intègre la question des sociétés de négoce en hydrocarbures. Une motion UDC avait été déposée au Parlement à ce sujet en septembre 2022, mais le Conseil fédéral a préféré ne pas entrer en matière, conditionnant d’éventuelles mesures sur les prix de l’énergie aux conclusions d’un rapport interne prévu à l’automne 2022. Lequel n’a rien donné.

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