Sans changement climatique, la vague de chaleur américaine n'aurait pas eu lieu

Carte des températures dans le Nord-Ouest américain le 28 juin, en Farenheit | NOAA

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Près de 50°C de température à plus de 50° Nord. Les records de températures enregistrés fin juin dans le Nord-Ouest américain — jusqu’à 49,6°C — ont bel et bien été causés par le changement climatique. Une équipe de climatologues internationaux a livré, dans le cadre de l’initiative World Weather Attribution, une étude sur cette vague de chaleur extrême. Leur conclusion? Elle aurait été pratiquement impossible en l’absence de changement climatique provoqué par les activités humaines.

Pourquoi c’est important. Les canicules extrêmes ont des conséquences sanitaires dramatiques, sans parler de leur impact sur les écosystèmes, et du risque d’incendie près des zones boisées. La survenue d’une telle vague de chaleur à des latitudes très septentrionales, et donc peu préparées — la plupart des habitations de la région étant dépourvues de climatiseurs —a entraîné une hausse du nombre de morts subites. Le décompte final des victimes ne sera pas connu avant plusieurs mois. Avec le changement climatique, ce type d’événement est appelé à devenir de plus en plus fréquent.

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De la météorologie au climat. La science de l’attribution, qui étudie l’influence de la crise climatique déclenchée par l’humain sur les événements météorologiques extrêmes, est un champ relativement récent. Tout son enjeu est de statistiquement départager les variations habituelles de la météo de tous les jours de l’influence du changement climatique. Pour cela, l’approche est essentiellement statistique.

Les chiffres-clés. Et ici, le constat est sans appel. En confrontant les observations et les modélisations, la survenue de températures maximales quotidiennes comme celles observées en juin 2021 entre les latitudes 45 et 52°N d’une part, et les longitudes 119 et 123° Ouest d’autre part, est «virtuellement impossible sans le changement climatique causé par l’être humain», selon les mots des 27 climatologues.

  • Les températures observées sont à ce point plus élevées que les températures historiques que les chercheurs ont eu du mal à évaluer la rareté de l’événement. Dans l'analyse statistique la plus réaliste, sa fréquence est estimée à environ une fois tous les mille ans.

  • En l’absence de dérèglement climatique, cet événement aurait eu 150 fois moins de probabilité de se produire.

  • Aujourd’hui, le climat s’est déjà réchauffé de 1,2°C en moyenne. Dans un monde à +2°C, situation qui pourrait être atteinte dès 2040 selon la trajectoire actuelle, le pic maximal de chaleur mesuré aurait dépassé les 50°C.

  • En 2040, selon ce scénario, de telles canicules ne surviendraient plus tous les 1000 ans, mais tous les 5 à 10 ans.

Le décryptage. La climatologue Sonia Seneviratne, professeure à l’ETH Zurich, est co-auteure de ce rapport, et par ailleurs auteure du prochain rapport du GIEC. «Les canicules sont des événements extrêmes faciles à rattacher au changement climatiques précise-t-elle. La température a déjà augmenté de 1,2°C par rapport à l’ère préindustrielle, et l’on sait que le changement climatique rend ces canicules plus fréquentes et intenses.»

«La vraie question, c’est de quantifier clairement la contribution du changement climatique, et c’est ce que fait cette étude pour cet événement.»

Pour parvenir à ces conclusions, les climatologues ont tiré parti de 18 modèles climatiques, qu’ils ont appliqués aux données de température historiques. Les chercheurs multiplient les simulations afin de s’assurer d’aboutir à des prévisions robustes, qui concordent avec les températures mesurées au fil du temps. «Lorsqu’on parle d’un événement 150 fois plus probable de se produire à cause du changement climatique, il s’agit en réalité de la fourchette basse, ajoute la climatologue. Certains des modèles ont estimé que cette probabilité est bien plus élevée.»

Le phénomène sous-jacent. Reste à comprendre les causes du phénomène: est-ce là un simple manque de chance au jeu des probabilités? Ou les dés sont-ils déjà pipés? Car même avec le changement climatique, une telle canicule restait très improbable. C’est une hypothèse, estime Sonia Seneviratne:

«On peut se demander si les modèles capturent suffisamment certains mécanismes de rétroaction.»

Le changement climatique accélère-t-il? C’est la question qui se pose désormais, car le climat est un système complexe, où interviennent de nombreux phénomènes non linéaires. La région nord-américaine aurait ainsi pu franchir un point de bascule. Mais à ce stade, les chercheurs ne peuvent encore trancher entre les deux options.