Loi climat: «Les mordus de montagne pourraient faire pencher la balance vers le ''oui''»
Plus d'un Suisse sur deux pratique des sports en extérieur. Témoins directs du dérèglement climatique dans les Alpes, ces sportifs pourraient peser dans la votation du 18 juin, espère l’association Protect our Winters. Interview avec l'ambassadeur Mathieu Schaer, snowboarder professionnel et collaborateur scientifique chez MétéoSuisse.
Les Suisses naissent avec le pied montagnard. Mais c’est aussi leur talon d’Achille. Car déjà le dérèglement du climat transforme leur terrain de jeu. Plus de la moitié de la population pratique une activité sportive en extérieur, rappelle l’association suisse Protect our Winters (Protéger nos hivers), qui regroupe les adeptes de montagne du pays. Elle compte mobiliser cette vaste communauté de passionnés pour une meilleure protection du climat. Notamment lors des votations du 18 juin.
Depuis dix ans, Mathieu Schaer, snowboarder professionnel, connu sous son diminutif «Mat», apporte un bol d’air frais à la discipline, en montrant comment celle-ci peut réduire son empreinte carbone. Le Genevois de 32 ans, ambassadeur de POW Suisse, est aussi collaborateur scientifique chez MétéoSuisse. Interview.
Heidi.news – Avant de prendre un virage écologique, vous avez vécu un temps une vie de «rock star du snowboard», à chasser la neige jusqu’en Nouvelle-Zélande et en Alaska, notamment pour tourner des films. A présent, vous dîtes avoir troqué l’avion pour le train, et la motoneige pour les peaux de phoque… Quel a été le déclic?
Mathieu Schaer – Quand j’ai commencé à vivre du snowboard, vers mes 18 ans, et à intégrer des boîtes de production de films internationaux, c’était un rêve inouï, et en même temps, un paradoxe. Pour chasser la bonne neige – qui se raréfie – et tourner les meilleures images, on se rendait souvent au bout du monde, en avion. Chaque année, un professionnel du snowboard effectue environ deux à trois voyages outre-Atlantique, sans compter les vols hélicoptères. Notre bilan carbone est démesuré. Au final, on aggrave le réchauffement qui nuit aux conditions neigeuses, et donc, on part toujours plus loin, plus haut. On entre dans un cercle vicieux.
Cette prise de conscience était progressive. Mon frère, qui étudiait les géosciences à l’université, me sensibilisait à la crise climatique. De fil en aiguille, je me suis plongé dans des rapports, notamment du GIEC, avant de me retrouver moi-même sur les bancs de l’EPFL. Je ne pouvais plus être indifférent. Il me fallait trouver une manière de concilier mes convictions avec ma pratique, de poursuivre ma carrière de snowboarder tout en réduisant mon empreinte carbone. Aujourd’hui, la fin ne peut plus justifier les moyens.