Les nappes phréatiques suisses peuvent souffler, mais l'été est incertain [EN GRAPHES]

Les pluies des deux derniers mois suffiront-elles à rattraper un hiver très sec et à éviter que les nappes phréatiques ne se trouvent à sec cet été? Le point sur la situation en plusieurs graphes.

Les nappes phréatiques helvétiques sont-elles prêtes pour cet été? L’été dernier a laissé un souvenir cuisant: en 2022, c’est toute l’Europe qui a été marquée par une sécheresse record. Alors qu’en Espagne, une vague de chaleur anormalement précoce pour avril vient aggraver l’une des pires sécheresses connues en Catalogne, Heidi.news fait le point sur l’état des réserves hydrologiques suisses (voir graphique ci-dessus).

Pourquoi c’est incertain. Le 13 avril 2023, le BRGM, le service géologique national français, tirait la sonnette d’alarme et rappelait que 75% des niveaux des nappes phréatiques du pays restaient sous les normales mensuelles, contre seulement 58% sur la même période en 2022. La Suisse, elle, a en partie récupéré depuis l’épisode de sécheresse de février, mais la situation reste très contrastée d’une région à l’autre. Surtout, le pays a connu son hiver le moins enneigé depuis au moins 25 ans, ce qui limitera la possibilité de recharger les nappes par les cours d’eau…

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En février dernier, MétéoSuisse indiquait ainsi qu’il fallait 100 mm de précipitations en moyenne – voire 200 mm localement – pour compenser le déficit lié au manque d'enneigement. Qu’en est-il?

Une situation hétérogène. Les deux derniers mois ont été marqués par des pluies à un niveau proche des normales sur la période 1991-2020 (voir carte ci-dessus). En valeur absolue (carte ci-dessous), on constate que la plupart des régions ont pu bénéficier de plus de 100 mm de pluie en mars… à l’exception notable des Alpes du sud, du Tessin et des Alpes centrales de l’est.

«Les pluies de mars et avril ont été une bonne nouvelle pour l’évolution des nappes phréatiques, explique Daniel Hunkeler, professeur en hydrogéologie à l’Université de Neuchâtel. La situation aurait pu être critique cette année si le mois d’avril avait été sec et absolument dénué de neige.»

La situation hydrologique. Les données de la Confédération sur le suivi des eaux souterraines montraient, fin avril, une situation correcte, avec quelques points d’inquiétude, là aussi principalement – mais pas exclusivement – dans les Alpes du Sud et le Tessin. (Les points marron décrivent les valeurs basses, les points rose les valeurs normales, les points bleu les valeurs élevées, et les points gris l’absence de données).

«La diversité géologique de la Suisse la protège dans une certaine mesure, poursuit Daniel Hunkeler. Mais les pluies de printemps sont aussi captées par la végétation. Cet effet a toutefois été ralenti par les températures fraîches des dernières semaines. La situation actuelle reflète aussi la diversité des mécaniques de recharge des nappes phréatiques: certaines d’entre elles dépendent principalement des cours d’eau, et donc de l’état d’enneigement en altitude. D’autres dépendent de la pluie, c’est celle-là qui vont avoir le plus de mal à se recharger.»

Le manque de neige, une épée de Damoclès. La pluie remplit les nappes phréatiques sur le moment, quand la neige d’altitude est la promesse de pouvoir les recharger plus tard en saison pendant l’été… «Le manque d’enneigement de cet hiver posera peut-être un problème lors de l’accélération de la fonte des neiges, car la neige d’été représente un stock d’eau précieux», poursuit Daniel Hunkeler.

Dans son bulletin du 31 mars 2023, l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL) notait qu’en raison des faibles cumuls de neige fraîche et des nombreux jours de fonte en février et mars, la neige a disparu sous 1500 mètres d’altitude dès début mars sur la vaste majorité du territoire.